
Les sceaux chinois
Le sceau reste indispensable pour tout acte officiel en Extrême-Orient : chèque, contrat... où il remplace notre signature. Mais, contrairement à nos tampons en caoutchouc purement utilitaires, le cachet est, en Chine, un élément à part entière de la culture savante.
Depuis les environs du Ve siècle av. J.C., le sceau authentifie et rend exécutoires les actes de l’Administration ; il évoque la perfection des institutions et la gloire des généraux du passé.
Les lettrés, se devant de cultiver les arts par excellence que sont en Chine la calligraphie et la peinture, vont s’intéresser aux sceaux. Pourquoi ? Parce qu’ils concilient deux de leurs passions : la belle écriture et les antiquités. Quoi, mieux que le sceau, gravé de caractères archaïques, pouvait réunir ces deux aspirations ?
Dès les Song (960-1280), les lettrés vont prêter une grande attention à la qualité des cachets de métal ou de jade, qu’ils font graver par des artisans, et prennent l’habitude d’apposer sur leurs peintures, leurs calligraphies, leurs livres ou les oeuvres qu’ils collectionnent. C’est ainsi que l’usage du sceau se diversifie. Loin de n’être qu’une signature, il sert à marquer les rouleaux précieusement conservés dans une bibliothèque ; il porte le pseudonyme ou le nom du studio de son propriétaire...
Deux facteurs vont encore d’avantage ancrer, au XVe siècle, le cachet dans la tradition savante : la découverte de pierres tendres, plus faciles à travailler que le bronze ou le jade, et le développement concomitant des « sceaux fantaisie », car portant le texte qu’on veut : sentence des philosophes, vers des poètes anciens, phrase de son cru...
Cet art devient alors à la portée de tout lettré, et sera cultivé comme une branche de la calligraphie : ses principes esthétiques sont semblables, et obéissent aussi aux règles gouvernant l’habileté du maniement du couteau à graver, la mise en « page » dans l’espace du sceau, et l’équilibre, la disposition de chaque caractère pris isolément. Bien des peintres, calligraphes et littérateurs sont également connus comme graveurs, tel Qi Baishi (1863-1957). A l’égal de la peinture, de la musique, des échecs, de la poésie, la gravure des sceaux fait partie des plaisirs raffinés de l’homme de goût à la recherche de la sagesse.
Autant que dans les autres disciplines picturales s’y exprime la personnalité d’un artiste, et le style des grands graveurs, qui signent leurs oeuvres, est aussi reconnaissable que ceux de nos peintres. Les plus célèbres se sont illustrés depuis le milieu du XVIe siècle. Cependant, cet art est toujours très vivant, tant en Chine qu’à Taiwan. La moyenne des grandes villes abrite une ou plusieurs sociétés de sigillographie, avec leurs publications, des expositions, sans oublier la formation de jeunes talents.