Du poison dans les sols

Publié le 28 Juin 2012

13/06/2012 | Chine Plus.

  Le magazine Caijing consacre sa Une à la pollution des sols urbains en Chine, contamination souvent ignorée des personnes qui vivent sur ces terrains toxiques. De notre partenaire Chine Plus.

« Personne n’aimerait habiter près d’une décharge, mais peut-être vivez-vous, en ce moment même, sur un terrain bien plus nocif encore. » C’est en ces termes que les journalistes Gao Shengke et Wang Kai introduisent le dossier spécial d’une dizaine de pages, qui fait la Une du magazine Caijing de cette semaine. Ces dernières années, de nombreux « terrains empoisonnés » 毒地 révèle l’hebdomadaire ont été recyclés en parcelles immobilières.

Dans le même temps, de nombreux cas d’empoisonnement graves (1) n’ont cessé d’alarmer les citadins de la dangerosité du sol qui se cache sous le bitume. Mais pour Chen Tongchan de l’Académie des Sciences de Chine cité par le magazine, un danger encore plus inquiétant - car latent - guette les personnes qui vivent sur ces sols contaminés. « Les empoisonnements sont des cas extrêmes, cela montre que la pollution a déjà atteint un niveau très sévère. Or, pour les habitants – bien plus nombreux – qui habitent sur ces terrains, le risque est l’intoxication chronique dont les effets néfastes sur la santé pourraient mettre cinq, dix ans voire plusieurs dizaines d’années avant de se déclarer. »

Des friches industrielles en centre ville

En 2001, une politique restructuration industrielle (“退二进三”) incite les usines les plus polluantes - et en premier lieu celles des grandes zones industrielles du Nord-Est, du delta du Yangzi et du delta de la rivière des Perles - à s’éloigner des centres urbains. L’article cite une étude de Luo Yongming, un chercheur à l’Académie des sciences de Chine, qui estime qu’en 2008, plusieurs milliers d’entreprises avaient été déplacées, rendant vacants plus de 20 000 hectares de terrain. Souvent, ces entreprises ont laissé derrière elles des sols dépassant de 100 à 1 000 fois les normes en matière de pollution.
Caijing liste quatre facteurs de pollution majeurs : les métaux lourds, les déchets électroniques, les polluants pétrochimiques et les polluants organiques persistants. Parfois, les matériaux polluants ont été déversés directement sur le site ou enterrés à 5 ou 6 mètres de profondeur - dans certains cas plus d’une dizaine de mètres, ce qui a provoqué une double pollution du sol et des eaux souterraines, précisent les journalistes

L’ampleur exacte du phénomène reste cependant difficile à mesurer. Sur ces sites, très convoités par les agences immobilières, de nouveaux immeubles sont très vite sortis de terre. Jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement chinois n’a pourtant « reconnu qu’une centaine de cas de pollution des sols », affirme - dans les colonnes de Caijing - Jiang Lin, de l’institut de protection environnemental de la municipalité de Pékin. Un autre expert estime pour sa part que le nombre de terrains contaminés atteindrait des dizaines de milliers, chiffre plus réaliste si on prend pour élément de comparaison la situation dans les anciens pays industrialisés (près de cinquantemille sites contaminés sont répertoriés aux États-Unis).

Qui doit payer la facture ?

Chen Mengfang, un autre expert cité au cours du reportage, indique que, dans de nombreux cas, aucune démarche de dépollution n’a été entreprise et que les terrains ont été réutilisés tels quels. Les journalistes écrivent que face à ce « nouveau problème », il manque une « procédure contraignante d’analyse de la pollution préalablement au déménagement des industries ». Généralement les autorités font face « de façon passive » au problème, poursuit l’article, réglant les problèmes au cas-par-cas « à mesure qu’ils apparaissent ».

Certaines municipalités cependant ont commencé à se donner les moyens de s’attaquer au problème. La ville de Wuhan a ainsi entamé en mai 2011 un programme de réhabilitation des sols qui, selon les premières estimations, s’élèverait à 4 milliards de yuans. L’article indique que la ville recherche activement un soutien financier de la part du gouvernement central. « Qui doit régler la facture ? », s’interroge enfin Caijing. L’hebdomadaire souligne la difficulté de poursuivre les « pollueurs historiques » et de faire appliquer le principe du « pollueur-payeur ». La situation est encore plus complexe lorsque la friche industrielle est une ancienne entreprise d’État qui a mis la clé sous la porte, comme c’est le cas de la majorité des usines hautement polluantes, déplacées ou démantelées ces dernières années.

Pour l’hebdomadaire, la distinction claire des responsabilités est un prérequis essentiel qui « influera directement sur le succès ou l’échec des opérations de réhabilitation des terrains. »

(1) Caijing évoque une affaire survenue en 2004 lors de la construction de la station de métro Songjiazhuang au sud-est de Pékin. Trois ouvriers travaillant sous terre ont dû être conduit d’urgence à l’hôpital pour cause d’intoxication grave. Ils se trouvaient à l’emplacement de l’ancien site d’une usine de pesticide, en activité dans les années 70 et 80, quand est survenu l’accident.

CAIJING

Rédigé par Ecole de Tai Ji Quan Côte basque

Publié dans #taichichuan-cotebasque

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