Publié le 10/01/2013 Journal Sud-Ouest
Par éric MEYER
Face à une société civile de plus en plus réactive et protestataire, les nouveaux dirigeants du PCC lâchent (un peu) de lest .

Meng Jianzhu, en charge des affaires « politiques et légales » a promis de revoir le mode de fonctionnement des camps de rééducation par le travail, créés par Mao Zedong en 1955. (arch. afp)
À PÉKIN
Chef suprême de la Chine depuis octobre, Xi Jinping a fait la promesse télévisée de tout changer, et d'éradiquer notamment la corruption qui fait rage parmi les hauts cadres. Mais les privilégiés ne se laissent pas aisément déposséder de leurs droits… La nouvelle équipe dirigeante du Parti communiste chinois (PCC) est à peine installée que l'on voit déjà s'entremêler les volontés réformistes et les réflexes autoritaires.
Le 1er janvier, le journal cantonais « Week-End du Sud » prétendait présenter ses vœux aux lecteurs, et l'espoir de plus de démocratie : l'éditorial fut grossièrement caviardé par le responsable de la censure dans la province du Guangdong qui a converti ces vœux en flagorneries au nouveau leader pékinois. Cela a provoqué la révolte immédiate de la rédaction, le journal étant l'un des phares des médias libertaires en Chine. Les journalistes ont exigé des excuses et se sont mis en grève pour imposer la fin de la censure, incroyablement sévère. Toutes les heures, sont émises les interdictions et les obligations de publication.
Alerte sur le NetÀ cette inféodation, le pouvoir tient comme à la prunelle de ses yeux : il garde frais dans sa mémoire le printemps de 1989, débuté par la fronde d'un journal le « World Economic Herald », fermé depuis.
Ainsi, le secrétaire provincial Hu Chunhua, étoile montante du PCC, s'est rendu à la rédaction pour tenter de désamorcer le conflit. En cas de poursuite de la grève, a-t-il alors menacé, le journal serait accusé de collusion avec l'étranger, rendant les responsables passibles de longues années en prison pour subversion. En revanche, Hu Chunhua a promis aux grévistes qui stopperaient tout de suite le mouvement qu'ils ne seraient pas punis, et que le responsable du caviardage serait écarté dans quelques mois. Inutile de dire que son initiative, au départ, était celle des conservateurs durs.
La menace a porté ses fruits : hier matin, le journal fonctionnait normalement. Mais des centaines de milliers de personnes ont soutenu la rédaction par e-mail. L'affaire est donc loin d'être enterrée…
Indépendance des jugesL'éditeur du « Beijing News », à Pékin, a également démissionné pour protester contre l'imposition d'un éditorial identique, et toute la rédaction refuse de signer les articles, pour bien indiquer aux lecteurs que les textes ne sont pas d'eux. Clairement, la Chine des gratte-papier, comme celle des lecteurs, ne supportent plus l'interférence des propagandistes.
Par ailleurs, une autre affaire secoue le pays. Meng Jianzhu, ex-ministre de la Police, aujourd'hui en charge des affaires « politiques et légales », a émis lundi des propositions de réformes d'une audace sans précédent. L'une vise à imposer l'indépendance des juges : Meng dénonce les « comités juridiques » auprès des tribunaux, qui fixent d'avance les verdicts et les imposent aux juges, souvent après avoir reçu un bakchich d'une des parties.
Surtout, Meng a annoncé la disparition des camps de rééducation par le travail, dits « laojiao », création de Mao Zedong en 1955. Aujourd'hui, 160 000 petits délinquants sont emprisonnés dans 320 camps. Certains y restent jusqu'à quatre ans, sans être jugés.
Ce travail gratuit reste très apprécié les provinces. Cela explique peut-être pourquoi, moins d'une heure après cette annonce, le pouvoir se contentait de faire la promesse, plus vague, de réviser ces camps de rééducation. La Chine est donc aujourd'hui sur le fil du rasoir, écartelée entre deux forces antagonistes. Si les camps de travail disparaissent, cela marquera un tournant : ce sera la plus forte concession en faveur des droits de l'homme en Chine depuis trente ans. Dans le cas inverse, Xi Jinping perdra le bénéfice du doute, et l'espoir soulevé par son arrivée se dissipera.
Une chose en tout cas semble certaine : à bout de patience, cette société n'attendra pas dix ans, comme elle vient de le faire sous l'ère de l'ex-président Hu Jintao, pour manifester son désaccord au régime, si ce dernier choisit la voie de l'autisme autoritaire.
commenter cet article …