Publié le 25 Janvier 2018
Publié le 21 Janvier 2018
Publié le 17 Janvier 2018
15.12.2017, par Grégory Fléchet
Relier la Chine au Proche-Orient, à l’Afrique et à l’Europe, à la fois par terre et par mer, en créant de nouvelles routes de la soie, tel est l’objet du programme « Une ceinture, une route » du gouvernement de Pékin. L’économiste Jean-François Huchet analyse les conséquences géopolitiques de ce projet sans précédent.
Directeur adjoint du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Asie jusqu’en septembre 2017, vous êtes spécialiste de l’économie chinoise et asiatique1. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet de nouvelles routes de la soie, lancé officiellement en 2013 par le président chinois Xi Jinping ?
Jean-François Huchet : L’idée de départ était de créer une version moderne des anciennes routes de la soie qui, des siècles durant, assurèrent le commerce entre l’Asie et l’Europe, principalement en direction de l’Europe. Ce réseau de routes essentiellement terrestres, qui s’est éteint au cours du XVe siècle pour des raisons diverses et variées, a été abandonné au profit de routes maritimes que sillonnèrent les navires des compagnies des Indes orientales jusqu’à la fin du XIXe siècle.
« Une ceinture, une route » est un ambitieux projet que l’on compare souvent au plan Marshall américain, programme d’aide économique à l’Europe lancé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quelles en sont les grandes étapes ?
J.-F. H. : Ce projet vise en premier lieu à créer un réseau d’infrastructures dédiées au transport de marchandises de la Chine vers l’Europe en passant par l’Asie centrale. Cela implique la construction de nouvelles lignes ferroviaires et d’un vaste réseau routier à travers le continent eurasiatique. Sur le plan maritime, il s’agit cette fois de mettre sur pied toute une série d’infrastructures portuaires au niveau du détroit de Malacca, entre la péninsule malaise et l’île indonésienne de Sumatra. D’autres ports devraient ensuite voir le jour le long de l’océan Indien, dans le nord-est de l’Afrique et dans toute l’Europe du Sud. Dans un second temps, des zones économiques spéciales devraient être créées afin d’assurer le développement local de certains territoires. Le stade ultime de ce projet consistera sans doute à faire transiter des données informatiques le long de ces axes commerciaux, via notamment l’installation de réseaux de fibre optique.
À quel montant estime-t-on le coût de sa réalisation ?
J.-F. H. : On parle aujourd’hui d’un budget global de 800 à 1 000 milliards de dollars. À titre de comparaison, cela représente cinq à six fois le budget du plan Marshall lancé par les Américains pour l’Europe. Routes, voies ferrées, ports commencent déjà à sortir de terre au Pakistan, dans plusieurs pays d’Asie centrale ainsi qu’en Europe. Or, si la Chine continue sur cette lancée, le budget prévisionnel pourrait rapidement être dépassé tant les besoins en infrastructures dans ces régions sont importants.
La Chine a-t-elle les moyens de financer un tel réseau d’infrastructures ?
J.-F. H. : Un vaste système financier a été mis en place par Pékin, avec le soutien de ses propres banques mais aussi avec celui d’institutions financières internationales fondées par la Chine et dans lesquelles elle joue un rôle moteur. C’est le cas de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, qui aide au financement de grands projets d’infrastructures et de décloisonnement de certains territoires. Le pays dispose par ailleurs d’importantes réserves en devises qu’il a longtemps investies presque exclusivement dans l’achat de bons du trésor américains. Mais, depuis une dizaine d’années, la Chine cherche à diversifier l’utilisation de ses réserves financières. Bien que la croissance chinoise ne soit plus aussi spectaculaire depuis quelques années, le pays continue de générer des excédents sur sa balance commerciale qu’il a tout intérêt à réinvestir au-delà de ses frontières pour ne pas générer de déséquilibres macroéconomiques intérieurs tels que de l’inflation.
Comment l’Inde et la Russie voient-elles l’arrivée massive d’investissements chinois dans ce qui était jusqu’ici leur pré carré géostratégique ?
J.-F. H. : Jusqu’à récemment, la partie terrestre de ce vaste espace que constitue le continent eurasiatique était en effet sous influence russe, alors que l’Inde contrôlait plutôt son versant maritime. La prudence de ces deux pays à l’égard d’un projet qui vise à étendre le pouvoir géopolitique de leur puissant voisin est donc tout à fait légitime. Les relations russo-chinoises restent malgré tout relativement bonnes. Depuis une quinzaine d’années, beaucoup de travail a d’ailleurs été mené dans ce sens via l’Organisation de coopération de Shanghai, qui regroupe plusieurs pays d’Asie centrale. Côté indien, le problème majeur demeure le Pakistan, qui bénéficie d’un grand programme d’assistance économique de la part de la Chine. Si l’aide chinoise à l’égard du Pakistan n’est pas nouvelle, elle s’est toutefois accrue depuis le lancement du projet des nouvelles routes de la soie. Bien que l’Inde n’hésite pas à manifester son mécontentement à ce propos, en boycottant par exemple la dernière grande réunion autour de l’initiative « Une ceinture une route », qui s’est tenue à Pékin en mai 2017, elle sait aussi faire preuve de coopération puisqu’elle participe à la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et entretient des relations avec la Chine sur d’autres projets économiques.
Les autres grandes puissances eurasiatiques sont-elles pour autant en mesure de faire avorter l’initiative chinoise ?
J.-F. H. : Cela paraît fort peu probable. En Asie centrale, des pays comme l’Ouzbékistan, le Kazakhstan ou le Kirghizistan reçoivent des aides de la part d’institutions chinoises uniquement, sur lesquelles les trois autres grandes puissances concernées par le projet – l’Inde, la Russie et l’Iran – n’ont strictement rien à dire. Selon moi, les risques proviennent davantage de régions eurasiatiques traversées par ces futures routes commerciales, qui restent instables sur le plan politique. C’est par exemple le cas de la vallée du Ferghana, en Ouzbékistan, ou des régions du Cachemire et du Baloutchistan, que se disputent l’Inde et le Pakistan, et dont la Chine peut difficilement prévoir l’évolution à court ou moyen terme.
Dans quelle mesure l’initiative chinoise actuelle doit-elle réorganiser le jeu des alliances géopolitiques dans la région eurasiatique ?
J.-F. H. : Pour l’heure, on ne voit pas émerger un axe Russe-Chine contre l’Inde. Une forme d’alliance entre Russes et Chinois semble en revanche se dessiner, comme l’illustre le soutien accordé par la Chine à la Russie en 2014. Ce soutien s’était manifesté après les sanctions de l’Union européenne et des États-Unis à l’encontre de la Russie pour son implication dans la crise ukrainienne. La Chine est ainsi devenue le principal investisseur dans l’économie russe, tandis que la Russie est aujourd’hui le premier fournisseur de la Chine en gaz et en pétrole. Pour l’empire du Milieu, les relations avec son voisin russe ont néanmoins tout intérêt à demeurer purement économiques. Car dès lors qu’elles prendront un tournant politique ou militaire, les liens entre ces deux grandes puissances ont de fortes chances de devenir beaucoup plus conflictuels.
Comment le Japon, qui a longtemps dominé cette région du monde, perçoit-il la volonté chinoise d’étendre son emprise économique ?
J.-F. H. : Une forme de concurrence existe certes entre ces deux pays, notamment via les institutions financières avec, d’un côté la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures, sur laquelle la Chine a la mainmise, et de l’autre la Banque asiatique de développement, dominée par le Japon. Mais ce dernier reste pour l’heure dans une posture d’observateur, à l’image de son vieil allié américain. Depuis plusieurs années, le Japon a toutefois parfaitement conscience que le géant chinois aspire à accroître sa puissance en dehors de ses frontières. En attestent les conflits récurrents en mer de Chine entre ces deux pays, non seulement pour l’exploitation des ressources pétrolières et halieutiques (c’est-à-dire liées aux problèmes de la pêche), mais aussi dans le but de se projeter militairement. Dans l’espace eurasiatique où il n’a pas véritablement d’emprise, le Japon pourrait en revanche être amené à rejoindre l’initiative « Une ceinture, une route », s’il obtient l’aval des États-Unis.
Quelle est la position de l’Europe sur ce projet de nouvelles routes de la soie ?
J.-F. H. : Au niveau européen, il y a encore beaucoup d’interrogations à ce sujet car la Chine a une façon d’appréhender les régions européennes qui ne correspond pas à celle de Bruxelles. La Chine fait par exemple la distinction entre les pays d’Europe du Sud et les ex-nations socialistes d’Europe centrale. Or, Bruxelles ne voit pas d’un très bon œil le fait que des pays traditionnellement ancrés dans l’espace européen, sans pour autant faire partie de l’Union européenne, comme c'est le cas de la Serbie, fassent désormais de la Chine un partenaire économique incontournable.
Notes
- 1.Jean-François Huchet est professeur des universités à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) et vice-président à la recherche de l’Inalco. Il a été directeur adjoint du GIS Asie jusqu’en septembre 2017.
CNRS le journal
Publié le 14 Janvier 2018
Publié le 13 Janvier 2018
Huainan ne fait pas souvent la une des journaux. Pourtant, cette ville de deux millions d'habitants dans l’est de la Chine est au centre de l’actualité environnementale : la plus grande centrale solaire flottante au monde est entrée en service du côté de cette métropole.
Construite dans une mine de charbon désaffectée et inondée, cette centrale a été connectée en mai 2017 au réseau électrique chinois.
Œuvre de la société chinoise Sungrow, une nouvelle ferme solaire vient d'être mise en activité à proximité de la ville de Huainan à environ 200 kilomètres au nord-ouest de Shanghai. En plein cœur de la province d'Anhui, une zone agricole assez pauvre autrefois, mais qui à partir des années 1950 a commencé à prospérer en partie grâce à l'exploitation de ses gisements miniers ainsi que de son... charbon. Or, c'est justement dans une mine de charbon à ciel ouvert, désaffectée puis inondée que cette centrale a été rapidement mise en place en 2016. Les milliers de panneaux solaires cumulent une puissance de 40 mégawatts. De quoi alimenter en électricité environ 15.000 foyers, chiffrent les médias chinois. Elle aurait été connectée au réseau du pays en mai 2017, et, de part sa capacité, serait désormais la plus puissante centrale solaire flottante du monde. Le précédent record était détenu par une autre installation très similaire, également située à Huainan et installée dans une mine de charbon désaffectée. Mise en place par le fabricant chinois Xinyi Solar, la capacité de cette centrale atteint les 20 MégaWatts. Un record qui risque d'être de courte durée puisque l'entreprise Sungrow a annoncé début juin que des travaux étaient en cours (dans la même région) pour la construction d'une nouvelle centrale flottante d'une capacité de... 150 Mégawatts. Un projet qui devrait s'achever "à la fin de l'année", selon nos confères du site pv-Tech.org.
L'intérêt d'installer ainsi des panneaux solaires sur l'eau plutôt que sur la terre ferme présente plusieurs avantages. Tout d'abord, ces imposantes installations (800.000 mètres carrés pour la plus récente) n'empiètent pas sur des terres qui pourraient être consacrées à d'autres usages (bâtiments, exploitations agricoles...). La réverbération de la lumière sur l'eau accroît l'efficacité des panneaux, tandis que la proximité immédiate de l'eau offre une solution optimale pour refroidir l'installation. Ultime avantage : la surface de l'eau étant plate, aucun relief du terrain ne risque de venir faire de l'ombre sur les panneaux solaires. Depuis 2015, la Chine est devenue, en passant devant l'Allemagne, le plus grand producteur d'énergie solaire du monde. Et depuis, l'écart se creuse. La Chine a atteint ainsi une capacité de plus de 77 Gigawatts en énergie solaire installée fin 2016 chiffre l'administration nationale de l'énergie dans le pays. Et bien que le charbon constitue encore la principale source énergétique du pays (60%), les énergies renouvelables progressent. Elles représentent à ce jour 11% du mix énergétique chinois et pourraient doubler d'ici 2030.
Par Erwan Lecomte
Merci Danielle pour l'info
Publié le 9 Janvier 2018
Récit de Jacques Dumasy, qui éclaire un épisode historique méconnu : "Louis IX, Innocent IV et le péril Mongol"
En cette veille de Noël 1248, le roi de France, Louis IX, âgé seulement de 34 ans, est à Chypre, arrivé depuis quelques semaines pour installer la base arrière du corps expéditionnaire qu’il dirige dans le but d’envahir le Moyen-Orient et de libérer les lieux saints
Deux envoyés de l’empereur mongol, des nestoriens prénommés David et Marc, sont arrivés la veille à Nicosie, porteurs d’un projet d’alliance, et sont reçus immédiatement par le roi. C’est quasiment la première fois qu’une rencontre officielle a lieu entre l’Extrême-Orient et l’Extrême-Occident : deux mondes totalement inconnus l’un de l’autre prennent conscience de l’existence d’une face cachée de la terre, devinant à la fois une différence radicale et une appartenance à un même ensemble. Ainsi débutent, très exactement le 20 décembre 1248, les relations historiques entre la France et l’Extrême Orient
Deux « superpuissances » s’affirment en ce XIIIème siècle : le royaume de France en Occident, l’Empire mongol en Orient avec, entre eux, un monde arabe, amputé par les coups de butoirs des croisades et la création des royaumes francs mais, plus encore, affaibli par d’incessantes discordes internes, d’où émergent le khalifat abbasside de Bagdad en déclin et les sultanats ayyoubides de Damas et du Caire bientôt laminés par les Mamelouks d’Egypte.
Alors que débute sa croisade, Louis IX a pleinement conscience à la fois de la puissance asiatique qui vient d’émerger et du rang de première puissance qu’a la France en Occident. Peuplée de plus de dix millions d’habitants, alors que l’Angleterre n’en compte que trois millions, en rapide expansion économique et intellectuelle, la France voit son influence croître avec l’épanouissement du pouvoir royal. Fort des conquêtes territoriales de son grand-père Philippe Auguste et de son père Louis VIII, comme de l’autorité acquise sur ses vassaux, Louis IX s’impose tout au long de son règne (1226–1270), tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières. Exerçant le pouvoir avec un rare discernement à cette époque, Louis IX joue la carte de la justice et de la paix. Homme de compromis, il s’impose non par des faits d’armes mais par la négociation en position de force avec les puissances rivales, mettant fin notamment pour près d’un siècle à la guerre endémique avec l’Angleterre.
Le siècle d’or de Saint-Louis
La puissance française est telle en Europe que les conflits entre pays tiers sont soumis à son arbitrage, que la péninsule italienne passe un temps sous son contrôle et que la papauté recherche son soutien dans sa longue rivalité avec l’Empire germanique dont le déclin s’accélère. C’est « le siècle d’or de Saint-Louis ».
A l’autre bout de l’Eurasie, le grand khan Ögödei, qui a succédé à Gengis-khan, consacre ses efforts à élargir les conquêtes de son père dans trois directions : vers la Chine dont toute la partie au nord du fleuve Jaune est soumise en 1233 ; vers la Perse, occupée dès 1231, avec pour ambition affichée de réduire le Moyen-Orient dans sa totalité ; vers l’Europe enfin dont il confie la conquête en 1236 à son neveu Batu. A la tête d’une armée estimée à 150 000 hommes, Batu traverse la Volga et soumet une par une les principautés russes. En novembre 1240, les Mongols entrent en Pologne, occupent le Duché de Cracovie, ravagent la Silésie et battent les Hongrois lors de la terrible bataille de Mohi en avril 1241. Vienne est attaquée en juillet, des raids sont lancés en Croatie, les rivages de l’Adriatique sont atteints. Ce déferlement est accompagné de massacres épouvantables. Rien ne semble devoir arrêter cette vague générant en Occident une panique qui restera ancrée au plus profond des peuples, égale à celles nées des grandes invasions des Huns au Ve siècle, des Arabes au VIIe siècle ou des Vikings au IXe siècle.
L’Europe ne doit en fait son salut qu’à un véritable « miracle », la mort inopinée du grand khan
Ögödei, survenue le 12 décembre 1241, et la nécessité pour les chefs mongols de mettre un terme –
provisoire ? – à l’invasion de l’Occident pour regagner leur capitale Qaraqorum et participer à
l’élection du nouvel empereur. La tension diminue encore pendant les années qui suivent, du fait
d’un affaiblissement temporaire du pouvoir mongol causé par des rivalités internes, les différents
clans gengiskhanides se neutralisant pendant la régence assurée par la veuve d’Ögödei. Ce répit
permet à l’Occident de se ressaisir et de tenter de comprendre les origines de ce raz- de-marée qui a
failli l’engloutir.
Innocent IV, élu pape en juin 1243, conscient de son rôle de fédérateur des intérêts de l’Occident chrétien, échafaude rapidement vis-à- vis des Mongols une diplomatie aux objectifs clairs
Au lendemain de l’invasion mongole, les deux grandes puissances occidentales – la papauté et le royaume de France – prennent rapidement conscience du bouleversement en cours de l’équilibre mondial. Elles vont réagir dans un même élan et avec la même intelligence pour introduire le monde asiatique, jusqu’alors inconnu, dans le cercle des préoccupations occidentales. L’idée est certes de se prémunir d’une nouvelle agression mais aussi d’enquêter pour mieux comprendre, de jauger les nouveaux rapports de force, de bâtir les conditions d’un dialogue, de rechercher les valeurs communes d’un destin désormais à partager. Innocent IV, élu pape en juin 1243, conscient de son rôle de fédérateur des intérêts de l’Occident chrétien, échafaude rapidement vis-à- vis des Mongols une diplomatie aux objectifs clairs : le rassemblement d’informations détaillées sur ce phénomène nouveau qui rebat les cartes des rapports internationaux, l’établissement de liens réguliers par l’envoi d’ambassadeurs, une tentative ambitieuse d’amener les nouveaux venus dans le giron de l’Eglise en évangélisant les principaux chefs locaux et, si possible, le grand khan lui-même, sans oublier la recherche d’une alliance de revers contre les Sarrasins. Il décide, dès mars 1245, l’envoi de plusieurs missions vers la lointaine Mongolie.
La seule qui atteindra la capitale mongole, Qaraqorum, est menée par le dominicain Jean de Plan Carpin qui, après un voyage de plus d’un an, est reçu par le nouvel empereur Güyuk, petit-fils de Gengis-Khan. Le contact est établi mais l’accord ne peut se conclure au terme de cette première rencontre entre deux puissances soucieuses chacune d’affirmer leur primauté. Jean de Plan Carpin découvre cependant l’existence en Mongolie d’une forte communauté chrétienne nestorienne, et le rôle qu’elle joue, y compris aux plus hauts sommets de l’Etat. Il rend compte de son voyage au pape en novembre 1247 sous forme d’un rapport parvenu fort heureusement jusqu’à nous, puis à Louis IX en janvier 1248.
La mission que mène le dominicain André de Longjumeau sera la source de la relation franco-mongole. Il atteint Tabriz en novembre 1246, et rencontre un proche de l’empereur Güyuk, le général Eljigidei, qui dirige de fait le khanat de Perse et dont le principal conseiller est un chrétien nestorien, Siméon Rabban Ata. André de Longjumeau passe deux mois auprès d’eux et, plutôt que de poursuivre sa route vers l’Asie centrale, revient à marche forcée au printemps 1247. La moisson d’informations glanées sur la présence mongole en Perse, l’influence positive qu’exercent les hauts prélats nestoriens sur les responsables locaux et surtout la volonté enregistrée des généraux tartares rencontrés de coopérer avec les Francs au Moyen-Orient sont autant de résultats positifs et d’indices encourageants pour l’avenir. André en fait part au pape puis au roi dans les semaines qui suivent son retour et devient dès lors membre actif de l’équipe qui, autour de Louis IX, prépare la prochaine croisade.
Fruit d’un vœu prononcé en 1244 après une maladie qui faillit l’emporter, ce projet mobilise depuis toute l’énergie du roi qui y voit la principale œuvre de sa vie, la délivrance définitive de Jérusalem. A l’issue d’un office solennel célébré le 12 Juin 1248 en la basilique de Saint Denis, Louis IX engage officiellement la septième croisade. Son armée embarque le 25 août du port d’Aigues Mortes construit spécialement et à grands frais pour l’expédition. La croisade va durer six ans, six années passées au centre d’un monde nouveau où s’affrontent la chrétienté, l’islam et la nouvelle puissance asiatique.
Jacques Dumasy, ancien conseiller économique à l’ambassade de France à Pékin, ancien consu général à Chegdu.
Auteur de « La Franc e et la Chine. 1248–2014. De la méconnaissance à la reconnaissance ». Ed Nicolas Chaudun.
Publié le 5 Janvier 2018
Se mettre au régime,
sous peine de mésaventures
Publié le 1 Janvier 2018
On souhaite traditionnellement lors des voeux pour la nouvelle année, le bonheur, la prospérité, la santé..... Evidemment, on vous souhaite tout cela et plus que jamais. Mais on y ajoute un brin de folie, de la bonne humeur, de la créativité, de l'énergie, de la force et du courage, afin de mener à bien tous vos projets en:
Bon Tai Ji, bon Qi Gong
Excellente année à tous
Publié le 25 Décembre 2017
Publié le 21 Décembre 2017
Par LIBERATION
Le peintre chinois, qui a dénoncé dans des vidéos les expulsions massives de travailleurs à Pékin, est recherché par les autorités de son pays.
Les vidéos de Hua Yong se ressemblent toutes. Il apparaît très souvent face à la caméra. Sur les dernières, il témoigne depuis sa cachette. Il y a une quinzaine de jours, au milieu de ce qu’il restait des maisons aplaties par les bulldozers du pouvoir chinois, l’artiste peintre se mettait en scène, son téléphone portable suspendu au bout d’une perche à selfie.
Dreadlocks, veste en jean, et chewing-gum mâché ostensiblement, il déambule tel un justicier parmi les mingong, ces migrants de l’intérieur chassés de Pékin par le pouvoir central. Depuis l’incendie meurtrier du 18 novembre dans un quartier pauvre de la périphérie de la capitale, les autorités font place nette et réduisent à l’état de poussière les habitations de centaines de milliers de travailleurs pauvres.
Dès les premières heures de cette vague d’expulsions jamais vue à Pékin, Hua Yong s’est donné pour mission de documenter et dénoncer les agissements du pouvoir chinois. Dans ses vidéos postées sur YouTube et Wechat, la messagerie aux 980 millions d’utilisateurs, il prend ses abonnés à témoin : «Ce que vous voyez derrière moi pourrait avoir été causé par une tempête, ou un tremblement de terre… mais non, pas du tout, ce sont des hommes qui ont causé ces ruines.» Dans le même temps, alors que les médias d’Etat chinois étouffent ces évacuations forcées, les autorités menacent de représailles tous ceux qui viendraient en aide aux déplacés.
Le 7 décembre, la police chinoise est venue évacuer des centaines de travailleurs migrants qui bloquent le périphérique dans le quartier de Daxing. Hua Yong est sur place, il a été convié par les habitants pour enregistrer une nouvelle vidéo. Mais à cette date, l’artiste est déjà dans le viseur des autorités et ce jour-là, elles comptent bien mettre fin à ses actions de journaliste citoyen. Des habitants doivent intervenir pour lui permettre de s’exfiltrer. C’est sa dernière apparition publique. Depuis, Hua Yong a disparu des radars. «Cela fait quelques jours que je n’ai plus de nouvelles, raconte par téléphone l’artiste chinois Zhui Hun. Je sais qu’il ne veut pas qu’on le contacte car il doit se protéger, mais je suis très triste pour lui car il ne fait aucun doute qu’il finira en prison.»Son ami de dix ans jure que Hua Yong s’est toujours battu pour défendre les plus faibles. «C’est un soldat de la liberté», martèle-t-il.
Ce n’est pas la première fois que Hua Yong, 48 ans, père d’une petite fille de 3 ans, irrite le pouvoir chinois. Le 4 juin 2012, alors que le Parti communiste interdit toujours, vingt-trois ans après les faits, toute commémoration du massacre des étudiants de la place Tiananmen, il se rend sur place pour réaliser une performance artistique. Aussitôt arrêté, il est envoyé en «rééducation» pendant un an et trois mois dans un camp de travail. Depuis, tous les ans autour du 4 juin, Hua Yong subit le même sort que des dizaines d’autres dissidents chinois : il est envoyé en vacances forcées loin de la capitale.
Ces dernières semaines, Hua Yong avait mis de côté ses activités de peintre pour se préoccuper davantage du sort des laborieux de Pékin. Dès les premières évacuations massives de mingong, il confiait que toute création artistique était selon lui «inutile dans une société dans laquelle la vérité ne peut pas être dite». Loin de son atelier du quartier des peintres de Songzhuang dans la banlieue est de la capitale, il nargue aujourd’hui les cerbères du régime sur son compte Twitter. Il appelle notamment tous les journalistes qui le souhaitent à utiliser ses vidéos pour témoigner de la brutalité de la politique du gouvernement de Pékin.
Si, sur la Toile chinoise, tous les contenus liés à ses actions sont censurés, certains n’hésitent pas à louer son audace. «Qu’est-ce qu’il est courageux, commente un blogueur sous pseudonyme. Ce qu’il fait devrait faire rougir les journalistes. Si aujourd’hui nous ne pouvons plus nous exprimer, nous sommes condamnés à vivre comme des animaux.»
En attendant, Hua Yong continue de se terrer. Aujourd’hui, il s’en tient à des lettres manuscrites qu’il partage sur son compte Twitter par l’intermédiaire d’un ami. Dans la dernière, publiée mardi, il raconte que ceux qui lui sont venus en aide sont aujourd’hui en prison et appelle à une mobilisation plus large de l’opinion publique. Sa lettre, rédigée à la hâte se termine ainsi : «Hua Yong, toujours en fuite.»
HUA YONG