En cette année du centenaire du déclenchement de la Première Guerre Mondiale, les recherches historiques sur le sujet vont bon train. Si depuis un siècle, l’historiographie sur le sujet a bien évolué, il reste cependant des sujets encore trop méconnus. Parmi eux, on peut citer le cas du Chinese Labour Corps.
Vous n’aurez pas manqué de remarquer qu’il s’agit d’un nom anglais. En effet, en octobre 1916, un accord est signé entre le Royaume-Uni et la Chine afin de faire venir 21 000 travailleurs pour remplacer les hommes partis au front, et contribuer à l’effort de guerre. N’étant pas une nation belligérante dans le conflit (bien qu’elle déclare la guerre à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie le 14 août 1917), la Chine ne peut pas fournir de combattants. Elles envoient donc des « coolies » (terme désignant les travailleurs agricoles chinois de l’époque), âgé de 20 à 35 ans, en Europe. Des étudiants chinois sont aussi envoyés afin de servir d’interprètes. A noter que la France a aussi signé un accord avec la Chine pour l’envoi de travailleurs, cinquante mille d’entre eux devant arriver en France. Les premiers d’entre eux débarquent à Marseille en Juillet 1916.
Le Chinese Labour Corps anglais est destiné à encadrer l’utilisation de ces travailleurs. Un ingénieur anglais qui a séjourné 28 ans en Chine, Thomas J. Bourne, est envoyé à Weihaiwei s’occuper du recrutement. Les premières recrues viennent principalement du Shandong, puis le recrutement s’étend aux provinces suivantes : Liaoning, Jilin, Jiangsu, Hubei, Hunan, Anhui et Gansu.
Des nombreuses tâches furent confiées à ces travailleurs chinois : blanchisserie, construction et entretien de chemins de fer, terrassement de tranchées, manutention, brancardiers. Certains d’entre furent même utiliser pour le déminage. Ils ont aussi participé à la reconstruction après la guerre, notamment de la ville d’Ypres.
On estime le nombre de chinois ayant rejoint le Chinese Labour Corps à 100 000, pendant que 40 000 rejoignaient les Français. A la fin de la guerre, 96 000 d’entre eux sont encore en France, et en mai 1919, ils sont encore 80 000.
Ne participant pas aux combats, le taux de perte du Chinese Labour Corps est peu élevé : 2000 d’entre eux auraient trouvé la mort durant la guerre et après, le plus souvent des suites de l’épidémie de grippe espagnole de 1918-19. Il s’agit ici des chiffres officiels, mais il est probable que le nombre de morts ait été plus élevé.
On trouve des tombes de nombreux travailleurs chinois dans les cimetières du Nord-Pas de Calais et de la Somme, le long de l’ancienne ligne de front. On peut lire sur les pierres tombales l’un des quatre phrases suivantes : Fidèle jusqu’à la mort, Une bonne réputation demeure pour toujours, Un noble devoir bravement fait et Quoique mort, il vit toujours. C’est au cimétière de Noyelles-sur-mer que l’on trouve le plus de sépultures de travailleurs chinois, 842, morts d’une épidémie de choléra.
A la fin de la guerre, entre décembre 1918 et septembre 1920, les travailleurs chinois furent renvoyés chez eux. Quelques milliers d’entre eux (5 à 7000) restent en France, et forment le noyau de la communauté chinoise parisienne.
Sylvain DUCARNE