à disposer de leur véhicule
Les effets positifs sur l'environnement de la circulation alternée imposée à Pékin pendant les Jeux ont été salués par les médias
chinois. Leur prolongation éventuelle fait aujourd'hui l'objet d'un intense débat politique.
La limitation prolongée du droit des automobilistes à utiliser leur véhicule serait une intervention de l'Etat dans la vie des individus, qui entrerait en contradiction avec les efforts de
libéralisation et de prise en compte des droits individuels que connaît la Chine depuis trente ans, estiment certains médias. D'autres insistent sur le droit de tous à respirer un air pur. Un
débat politique oppose ainsi les partisans d'une politique environnementale plus affirmée et les défenseurs des droits individuels. Parallèlement, ce débat fait ressurgir de vieilles rancœurs
contre les riches et les apparatchiks, stigmatisés pour leur comportement irresponsable.
Selon de nombreux journaux, les Pékinois seraient favorables à la poursuite de la circulation alternée – autorisation de
circuler un jour sur deux, selon le caractère pair ou impair de la plaque d'immatriculation. Mais, s'interroge le Zhongguo Qingnian Bao, organe de la Ligue de la jeunesse communiste, les
riches patrons et surtout les cadres du Parti pourront-ils s'habituer à prendre les transports en commun ? Il est à craindre qu'ils n'acceptent pas de telles restrictions sur le long terme.
Alors, poursuit le quotidien, l'on risque de voir les nantis acquérir deux véhicules, l'un à plaque paire, l'autre impaire. La circulation alternée ne peut être qu'une mesure provisoire et non
une solution durable, conclut le journal.
Le Renmin Ribao se prononce également contre la poursuite des mesures de restriction. La priorité est
de s'attaquer au système des voitures de fonction, déclare-t-il. "Limiter la circulation des voitures individuelles serait facile, mais limiter le nombre de voitures de fonctions pourrait
s'avérer bien plus ardu", remarque le quotidien. "Les ‘propriétaires' des voitures de fonction ne calculent pas les coûts : pour offrir à leur chef un gâteau, ils peuvent faire le tour de la
ville, pour une réunion hypothétique, ils arrivent en convoi, plus personne ne s'étonne de ce genre de gaspillage et de comportements dispendieux", dénonce l'organe du Parti. "Plutôt que de
limiter les droits des citoyens, restreignons d'abord les pouvoirs des ‘mandarins', afin qu'ils deviennent intègres et économes", propose le quotidien.
Dans un autre article, le Zhongguo Qingnian Bao revient sur le caractère illégal d'une poursuite
éventuelle des mesures de restriction. Les droits des propriétaires de voiture sont protégés par la loi, il existe un contrat entre ces derniers et le gouvernement. "De quel droit le gouvernement
romprait-il ce contrat et violerait-il le droit qu'a chacun d'utiliser son automobile ?" demande le quotidien. L'entrée en vigueur d'une telle mesure serait en contradiction avec l'ensemble des
réformes entreprises depuis trente ans, dont l'une des avancées a été l'élaboration d'un système juridique protégeant le droit de propriété, poursuit le quotidien. Malheureusement, le sens
fondamental du droit de propriété n'est toujours pas compris, notamment par les fonctionnaires. Le quotidien craint que l'ouverture d'un grand débat public sur la question, qu'évoquent certains
organismes gouvernementaux, ne se transforme en l'expression de la tyrannie de la majorité sur la minorité – en postulant que la majorité des Chinois n'ont pas de voiture et seraient donc
favorables à la poursuite des restrictions.
"L'argument de la tyrannie de la majorité ne tient pas", conteste le quotidien pékinois Xinjing Bao. Les foyers
pékinois possédant une automobile représenteraient en effet plus de la moitié de la population de la ville. "La véritable question est de savoir si les automobilistes peuvent se ranger parmi les
partisans des restrictions", déclare le Xinjing Bao, qui voit dans ces restrictions un "test pour le sens de la responsabilité de la classe moyenne chinoise". Il existe un droit plus essentiel
que le droit de propriété, qu'il convient de sauvegarder : "le droit, pour les citoyens, de ne pas vivre dans la pollution", conclut le quotidien.
Céline
Allemand