La Chine et ses architectes entrent en campagne

Publié le 17 Juin 2018

La Chine après avoir souffert des leçons arrogantes d’une starchitecture occidentale semble inverser la tendance à Venise, lors de la XVIe Biennale d’Architecture. Avec un pavillon consacré aux territoires ruraux, l’Empire du Milieu livre un bien curieux témoignage sur la vivacité de régions désormais prisées.

 

Se frotter à la ville, à son urbanisme galopant mais aussi à sa société étouffante est un exercice difficile. Les campagnes semblent désormais offrir plus d’opportunités pour «vivre» et, peut-être, «exister».

Les zones rurales sont, en effet, depuis quelques années cet espace pittoresque où chacun semble projeter ses désirs d’architecture. Même Rem Koolhaas évoque depuis un moment maintenant son ambition aux allures d’arlésienne de travailler sur ces contrées oubliées.

De récents prix d’architecture, en France ou à l’étranger, portent aussi aux nues des réalisations «néo-vernaculaires» ; un semblant de «régionalisme critique» tente de poindre, à nouveau, ici et là. D’aucuns regardent alors avec appétence une grange au fin fond d’une vallée suisse plus qu’un gratte-ciel pauliste.

Le Pavillon Chinois répondrait-il de cet esprit ? A l’image, peut-être. Le propos toutefois ne verse jamais dans la nostalgie. Certes, Li Xiangning, commissaire, évoque le terme de «Xiangchou», cet amour des terres rurales. «Nous retournons certes à la campagne, là où la culture chinoise est née, pour recouvrer des valeurs oubliées mais nous pouvons aussi, à partir de là, construire la campagne du futur», dit-il.

Robotique et nouvelles technologies sont donc convoquées, au même titre que la tradition ou encore la préfabrication, pour la démonstration. L’enjeu est au développement de régions rurales.

«En Chine, la campagne est devenue une nouvelle frontière», prévient-il. Pourtant, elle offre à ses yeux «beaucoup d’opportunités» tant et si bien que «les architectes, les artistes et les promoteurs s’orientent vers ces zones rurales et ce, à travers tout le pays».

 

Pour ce faire les matériaux locaux sont réinterrogés, notamment le bambou. De nouvelles techniques de mise en œuvre sont étudiées y compris avec les populations locales.  

Les campagnes sont pourtant principalement habitées par des personnes âgées. Il s’agit alors de rendre ces adresses reculées attractives et la «modernité» des solutions imaginées pour construire participe d’un nouvel imaginaire.

La programmation est aussi un enjeu majeur pour inviter les plus jeunes à venir découvrir ces régions agricoles : centres communautaires, beds & breakfasts, ateliers, espaces culturels sont autant de propositions pour animer quelques localités retirées. 

C’est ainsi une nouvelle identité que la Chine recherche pour ses territoires ruraux. Elle est approchée, à l’Arsenal, à travers six thématiques : habitations poétiques, production locale, pratiques culturelles, tourisme agricole, reconstruction communautaire et exploration future. 

In fine la proposition chinoise joue subtilement avec les codes de l’architecture vernaculaire, avec une approche populaire et participative sans pour autant donner dans la naïveté et la pauvreté plastique : c’est au contraire un exercice savant que la Chine livre et que l’Occident devrait particulièrement méditer… du moins, depuis Venise.

 

Jean-Philippe Hugron (06-06-2018) http://www.lecourrierdelarchitecte.com

 

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