Le début d’un dégel historique

Publié le 16 Juin 2008

Revenu au pouvoir à Taipei, le Kouomintang a réenclenché le processus de dialogue avec le Parti communiste chinois. Résultat : les pourparlers entre les deux Etats vont reprendre le 11 juin après dix ans d’interruption.

La glace a-t-elle été rompue ou a-t-elle fondu ? Qu’importe, l’essentiel est que les dirigeants des deux partis politiques au pouvoir de part et d’autre du détroit de Taïwan se soient enfin rencontrés, animés de bonnes intentions [pour la première fois de­puis 1949. Les précédentes visites d’un représentant du Kouomintang (KMT) sur le continent, depuis 2005, anticipaient la reprise du pouvoir par le parti nationaliste à Taïwan lors de l’élection en avril dernier de Ma Ying-jeou à la présidence de l’île]. Les deux interlocuteurs sont convenus d’une reprise des pourparlers [au niveau gouvernemental, qui avaient cessé depuis 1999] vers la mi-juin et la Chine devrait ouvrir en juillet quatre aéroports aux liaisons directes avec Taoyuan [aéroport international de Taipei]. Le secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), Hu Jintao, a surtout pro­mis pour la première fois que la question de l’existence de Taïwan sur la scène internationale pourrait être négociée.

Il faut certes attendre que les deux prochaines séances de discussions entérinent officiellement ces différentes mesures. Mais cette rencontre entre Wu Poh-hsiung, président du Kouomintang (KMT), et Hu Jintao aura au moins eu le mérite de créer un climat favorable en vue des pourparlers de juin. Que ces images des deux hauts dirigeants du PCC et du KMT en train de se serrer la main en échangeant des amabilités sont impressionnantes ! Combien de rancœurs historiques, combien de souffrances, combien de familles séparées, du fait d’un demi-siècle de luttes et d’affrontements entre ces deux partis ! Aujourd’hui, leurs dirigeants hissent la paix au rang de valeur suprême et affirment vouloir placer les intérêts de leur peuple avant tout.

Une nouvelle génération de dirigeants

Qu’importe le passé ! Laissons aux historiens la tâche de tirer leurs conclusions. La mission d’écrire les futures pages de l’Histoire repose, elle, entre les mains des nouvelles générations. Les dirigeants des deux partis doivent saisir la chance qu’ils ont de permettre aux relations entre les deux rives de progresser sur le chemin de la paix, de la réconciliation et du dialogue, vers une situation de coopération et d’intérêts mutuels. Après que Taïwan vient de connaître l’alternance politique [le Parti progressiste démocratique (DPP), indépendantiste, ayant perdu les élections en faveur du KMT], il y a d’abord eu la rencontre [informelle] entre Vincent Siew [vice-président de Taïwan] et Hu Jintao lors du forum asiatique de Bo’ao [en avril 2008, sur l’île chinoise de Hainan]. Puis les propos du président Ma Ying-jeou dans son discours d’investiture [appelant à la reprise des pourparlers directs entre Taïwan et le continent], ont conduit à cette rencontre entre Wu Poh-hsiung et Hu Jintao. Les autorités politiques de part et d’autre du détroit ont fourni de gros efforts pour passer du stade de tâtonnements à celui d’un dialogue ouvert. Sur le plan rhétorique, chacun a pesé soigneusement ses paroles, bannissant de son vocabulaire toute expression susceptible d’évoquer un sujet sensible ; chacun a soigné les termes employés pour exprimer ses bonnes intentions.

Les efforts linguistiques étaient indispensables à la reprise du dialogue. En effet, sans parler des provocations liées à leur confrontation sur la scène internationale, l’interruption du dialogue et le raidissement entre les deux rives durant une longue période ve­naient en grande partie du cercle vicieux des échanges de piques verbales. Que les deux parties cessent de trouver à redire à chaque déclaration de leur adversaire et fassent preuve d’un bon esprit en s’efforçant de trouver le plus grand dénominateur commun entre eux, et il se forme naturellement un cercle vertueux.

Cette rencontre entre Wu Poh-hsiung et Hu Jintao a également été l’occasion d’aborder franchement la question de la place de Taïwan sur la scène internationale, en particulier celle de sa participation à l’Organisation mondiale de la santé [Taïwan, exclu de fait de toute organisation onusienne depuis l’accession de Pékin à l’ONU, fait campagne depuis des années pour retrouver au moins une représentation à l’OMS]. Jusque-là, seul Taïwan mettait cette question sur le tapis, tandis que Pékin feignait l’indifférence [affirmant représenter Taïwan en vertu du principe que l’île est une province de Chine]. Or, cette fois-ci, c’est Pékin qui a pris l’initiative en affirmant clairement, une fois les négociations commencées, “la possibilité de discuter en priorité de la question de la participation de Taïwan à l’OMS”, et en estimant qu’“il faut faire preuve d’ingéniosité pour trouver des modalités réalisables”. Ces paroles provenant de la bouche même du plus haut dirigeant du PCC, Hu Jintao, il convient naturellement de souligner à quel point elles constituent une avancée.

Avouons-le : par le passé, à force de camper sur leurs positions en s’arc-boutant sur leurs “conditions préalables” [Pékin voulant la reconnaissance du principe d’une seule Chine, Taïwan l’admission du statu quo], les deux parties en étaient arrivés à se noyer dans les détails au point de rendre finalement toute discussion impossible. Dé­sormais, de part et d’autre du détroit, on a semble-t-il appris à laisser provisoirement de côté les polémiques ; chacun est disposé à oublier un peu les divergences pour rechercher les points communs, à permettre que certaines questions favorables aux deux parties “créent des précédents”. Quand se sera accumulé un certain capital de confiance mutuelle, on pourra passer à des sujets plus sensibles et de niveau supérieur. Trouver peu à peu un modèle acceptable par les deux parties ne sera pas difficile dès lors que l’on s’astreindra à conserver une telle attitude “pragmatique”. Oui, les années de lutte entre le KMT et le PCC appartiennent au passé, et les années de propagande politique dirigée vers l’autre rive du détroit doivent également appartenir au passé ! Désormais, pourquoi chacun n’exprimerait-il pas toute son intelligence en se concentrant sur la résolution de ­problèmes concrets ?

Avouons-le : par le passé, à force de camper sur leurs positions en s’arc-boutant sur leurs “conditions préalables” [Pékin voulant la reconnaissance du principe d’une seule Chine, Taïwan l’admission du statu quo], les deux parties en étaient arrivés à se noyer dans les détails au point de rendre finalement toute discussion impossible. Dé­sormais, de part et d’autre du détroit, on a semble-t-il appris à laisser provisoirement de côté les polémiques ; chacun est disposé à oublier un peu les divergences pour rechercher les points communs, à permettre que certaines questions favorables aux deux parties “créent des précédents”. Quand se sera accumulé un certain capital de confiance mutuelle, on pourra passer à des sujets plus sensibles et de niveau supérieur. Trouver peu à peu un modèle acceptable par les deux parties ne sera pas difficile dès lors que l’on s’astreindra à conserver une telle attitude “pragmatique”. Oui, les années de lutte entre le KMT et le PCC appartiennent au passé, et les années de propagande politique dirigée vers l’autre rive du détroit doivent également appartenir au passé ! Désormais, pourquoi chacun n’exprimerait-il pas toute son intelligence en se concentrant sur la résolution de ­problèmes concrets ?

Chungkuo Shihpao - China Times

Rédigé par Taichichouaneur

Publié dans #taichichuan-cotebasque

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article