Des sinistrés encouragés à quitter le Sichuan

Publié le 24 Juin 2008

Comment les provinces chinoises peuvent-elles venir en aide aux victimes du séisme du 12 mai ? La solution du déplacement de population de province à province, grâce à un mécanisme de jumelage, est proposée. Mais elle est loin de faire l'unanimité.

Dans certaines régions sinistrées, les autorités souhaiteraient recourir au déplacement de populations vers d'autres provinces, pour alléger la pression démographique. En effet, de nombreux villages ont été purement et simplement rayés de la carte, et dans les zones montagneuses, les terrains constructibles sont naturellement limités. Mais aucune province ou grande municipalité n'a pour l'instant explicitement donné son accord à l'accueil de ce genre d'immigrés.
Cette idée a d'abord été soulevée par la préfecture de Qingchuan, le 23 mai, par le biais d'une circulaire encourageant les autorités des communes lourdement touchées à faire émigrer une partie des sinistrés vers d'autres régions du Sichuan, mais aussi vers les provinces éloignées du Zhejiang (est de la Chine) et du Shaanxi (nord du pays). Le même soir, l'état-major des secours aux sinistrés à Qingchuan faisait savoir que le district s'était déjà fixé l'objectif d'un relogement de 30 000 personnes vers ces destinations. Au Zhejiang, le programme de relogement reposerait sur le mécanisme de jumelage à vocation humanitaire avec Qingchuan mis en place par le ministère des Affaires civiles.
Quand elle s'est propagée sur Internet, la nouvelle a suscité de nombreux remous. Sur des forums comme Tianya, le débat a fait rage sur l'opportunité de déplacer vers le Zhejiang les sinistrés du Sichuan. Un internaute originaire du Zhejiang a estimé que les nouveaux arrivés auraient du mal à s'intégrer du fait des différences d'habitudes de vie, tandis que d'autres rétorquaient qu'il était de la responsabilité des provinces côtières riches d'apporter leur soutien aux sinistrés.

L'opinion des autorités locales est pour l'instant réservée. Les autorités du Zhejiang ne se sont pas montrées très favorables à l'idée de leurs homologues de Qingchuan. Cheng Ke, directeur du Bureau des affaires civiles de la province du Zhejiang, nous a confié que le gouvernement serait bien obligé de le faire si l'Etat l'exigeait absolument. Pour recevoir des migrants, ils devraient alors prendre en compte toute une série de problèmes économiques et sociaux qui en découleraient, sans parler du coût financier et de la mise à disposition des terrains nécessaires. De son côté, le département de la Propagande du Zhejiang a demandé aux médias locaux de ne diffuser aucune information à ce sujet.

Les inquiétudes du Zhejiang ne sont certes pas dénuées de tout fondement. On a pu voir, avec le déplacement massif de population lors de la réalisation du barrage des Trois-Gorges [à quelques centaines de kilomètres de l'épicentre du séisme], les problèmes sociaux que de tels transferts pouvaient poser. D'après Cheng Ke, le Zhejiang a déjà dû accueillir plus de 9 000 personnes originaires de la région des Trois-Gorges. Comme il était impossible de leur affecter un village entier, ils ont été répartis entre les villes de Hangzhou, Jiaxing et Huzhou. Bien que les pouvoirs publics locaux aient mis à leur disposition des facilités d'emploi et des aides financières, leur intégration à la population locale ne se passe pas sans anicroches : par exemple, ils pensent qu'il est inutile d'avoir une plaque pour servir de taxi, alors que les locaux l'estiment nécessaire ; ils trouvent donc anormal de se faire arrêter pour cela et n'hésitent pas à porter plainte. Ces dernières années, les habitants des Trois-Gorges qui ont été déplacés dans d'autres régions du pays ont souvent choisi de regagner leur terre natale au moyen de la prime de relogement.

Par ailleurs, à Dujiangyan, la municipalité a sondé les habitants des communes les plus touchées de sa circonscription pour connaître leurs intentions, mais sans évoquer explicitement la possibilité d'être relogés dans d'autres provinces. D'un côté, les sinistrés aspirent à quitter cet endroit dangereux pour commencer une nouvelle vie dans des régions plus riches, mais d'un autre côté, le manque de clarté du projet de relogement et les incertitudes inhérentes à toute migration les inquiètent.

D'après un fonctionnaire chargé de la vie quotidienne au quartier général des secours aux sinistrés, il n'y a pas encore de projet national de déplacement de population. Liang Wei, directeur adjoint de l'institut d'urbanisme de l'université Qinghua, à Pékin, considère qu'il faut promouvoir dans tout le pays des mesures d'aide à l'emploi et adopter de nouveaux modes de solidarité pour inciter les habitants des régions sinistrées à venir travailler dans les grandes villes. Cela permettrait de réduire la charge du relogement de la population pour les régions sinistrées, tout en permettant aux victimes du séisme d'oublier leur malheur en menant une vie mieux remplie et d'amasser à nouveau des richesses pour retrouver au plus vite une vie sociale normale.

 

 

Chen Zhongxiaolu, Wang Xiaolin, Zhao Hejuan, Li Zhigang
Caijing

Rédigé par Taichichouaneur

Publié dans #taichichuan-cotebasque

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article