La Chine doit se garder de tout triomphalisme

Alors que la première place de la Chine au tableau des médailles ne fait plus aucun doute, la presse chinoise tente de tempérer les tentations triomphalistes. Elle souligne les faiblesses de la pratique sportive en Chine, dans un contexte où l'investissement public a un rôle déterminant.

A deux jours de la clôture des Jeux, la presse chinoise devance l'annonce de la victoire chinoise au tableau des médailles. Forte de sa première place annoncée, elle admet les faiblesses du système sportif national et remet son succès en perspective dans le contexte mondial. Le 22 août 2008, le pays organisateur des Jeux totalisait 88 médailles dont 47 en or. Les Etats-Unis pointaient à la deuxième place avec 101 médailles, mais seulement 30 en or.

De nombreux journaux chinois rappellent tout d'abord la progression fulgurante du pays dans l'histoire des Jeux olympiques. "C'est la concrétisation d'un rêve de cent ans", déclare un éditorial du quotidien pékinois Xinjing Bao. "Depuis les Jeux de Los Angeles en 1984 [la Chine avait alors obtenu sa première médaille d'or olympique] jusqu'à aujourd'hui, la Chine a réussi à accéder au rang de puissance sportive", poursuit le Xinjing Bao. "C'est une progression historique", renchérit l'organe du Parti communiste chinois (PCC), le Renmin Ribao.

Mais même si de nombreux articles soulignent la "fierté légitime" ressentie par les Chinois, la presse chinoise, dans son ensemble, se garde d'adopter une attitude triomphaliste. L'organe du PCC donne le ton : "le monde entier fixe ses regards sur notre victoire mais aussi sur notre attitude face à ce triomphe". Et le quotidien d'enchaîner : "Un peuple qui est dans l'autosatifaction est un peuple qui a la vue courte. Face à un grand succès, la nation et le pays doivent garder leur sang-froid." Le Xinjing Bao appelle également le pays à éviter l'arrogance : "Un pays en développement ne doit pas, lorsqu'il franchit un nouveau palier, sombrer dans la suffisance. Le nombre de médailles d'or est un des critères pour évaluer la puissance sportive d'un pays mais en aucun cas un indicateur de la puissance globale d'un pays."

Les faiblesses du système sportif chinois sont ainsi relevées par différents journaux. "Les Etats-Unis et la Russie sont universellement reconnus comme des grandes puissances sportives. Ce n'est pas le cas de la Chine", assène un responsable sportif cantonais dans un commentaire publié également par le Xinjing Bao. L'écart qui sépare la Chine des pays en pointe dans le sport est encore considérable dans de nombreux domaines, comme le développement du sport de masse, les technologies avancées pour le sport ou encore l'industrie du sport.

La Chine n'a pas brillé dans les disciplines grandes pourvoyeuses de médailles comme l'athlétisme ou la natation, relève ce spécialiste. Autre faiblesse de l'équipe nationale chinoise : les sports collectifs. Or, "les sports collectifs sont les plus représentatifs de la physionomie d'un pays ; le niveau des équipes nationales reflète le mieux la puissance sportive d'un pays", commente-t-il.

Or, selon le quotidien Zhongguo Qingnian Bao, l'analyse de la composition des titres olympiques chinois permet de prendre la mesure "des problèmes structurels auxquels le sport chinois doit faire face". Nous ne gagnons que dans les disciplines sans potentiel commercial, où le sport amateur est la norme, regrette le quotidien de la Ligue de la Jeunesse communiste. "Ces sports-là étaient dominés pendant la guerre froide par l'URSS et les pays du bloc communiste, qui s'appuyaient sur des investissements de grande envergure et géraient le sport sur le mode de l'économie planifiée", rappelle le Zhongguo Qingnian Bao. "La raison profonde pour laquelle la Chine a émergé sur le plan sportif, c'est que ces nations ont laissé le champ libre après qu'elles ont abandonné le système de l'économie planifiée", déclare le quotidien qui s'interroge : "Pourrions-nous obtenir de si bons résultats si nous abandonnions également notre système planifié ?"

Céline Allemand