Ce n'est pas Noel pour tout le monde

Publié le 23 Décembre 2010

 

RTE JOURNAL 20 DÉCEMBRE 2010

Chine : la carte des maisons du sang

Écœuré par la multiplication des expropriations d'agriculteurs et les méthodes d'expulsion employées par les autorités, un blogueur chinois a décidé d'agir. Il a créé une carte Google participative intitulée "la carte des maisons de sang" pour recenser les cas d'évictions violentes et éviter qu'elles soient passées sous silence. Sur cette carte, on peut voir très précisément où a eu lieu l'incident, ce qui, selon le blogueur, devrait pousser certaines personnes à ne pas acheter de logements construits sur cette zone. Le site permet également de savoir précisément ce qui s'est passé. Une flamme indique une immolation en joignant différents symboles : le feu, un volcan, une manifestation, un lit, un décès, etc. En réaction à cette carte subversive, la machine propagandiste du régime chinois a fonctionné de manière paradoxale. Certain blogs et articles qui évoquaient cette "carte des maisons du sang" ont été censurés, ainsi que la recherche Google en chinois, qui mène désormais à une page blanche. Pourtant, l'agence de presse officielle Xinhua y avait consacré un long article, toujours accessible, avant la mise en place de la censure. Le blogueur engagé en faveur des paysans expropriés a exceptionnellement accepté de répondre aux questions d'ARTE Journal. Souhaitant rester anonyme, il a choisi le pseudo"Bloody Map". Une interview réalisée par Benoit Guivellic pour ARTE Journal et "Aujourd'hui la Chine".


Benoit Guivellic pour ARTE Journal : quelle était votre intention en créant cette carte ? 
Bloody Map : "Mon but est de collecter et de lister les cas d'expulsions violentes qui ont ou auront bientôt disparu du champ de vision du public. Il y a des évictions forcées qui se déroulent en ce moment même et qui nécessitent une plus grande couverture médiatique. Pour autant, les répercussions de la "carte des maisons de sang" sont limitées. Les gens ne peuvent pas attendre d'une initiative comme celle-ci qu'elle suscite suffisamment d'attention pour mettre fin aux expulsions forcées actuelles. Le but de cette carte est plutôt de présenter des preuves, pour permettre aux consommateurs de prendre leurs décisions". 

ARTE Journal : avec cette carte, vous appelez la population à agir... 
Bloody Map : "Il y a 30 ans, la plupart des Chinois pensaient que les intérêts de l'État étaient supérieurs aux intérêts personnels. Mais aujourd'hui, même si la phrase "les biens personnels sont intouchables" est inscrite dans la constitution chinoise, je ne crois pas qu'elle soit inscrite dans le cœur des Chinois. Par exemple, l'immolation de Yihuang, en septembre, a été très suivie par le public. Les médias ont critiqué les responsables du gouvernement local, qui ont finalement été obligés de démissionner. 
Mais l'avis des habitants locaux était plus nuancé, car ils trouvaient que cet incident empêchait le développement de la région. Alors il faut se poser la question suivante : si il y avait quelqu'un qui refusait de se faire expulser et que ce refus mettait en cause mon intérêt personnel, est ce que je suis tout de même de son côté? Est-ce que je le soutiendrais ? "

ARTE Journal : quelles réactions votre carte a-t-elle provoqué ? 
Bloody Map : "La carte des maisons de sang a été publiée le 8 octobre dernier. Le 20 du même mois, l'agence Chine Nouvelle y a consacré un article et une semaine plus tard, une dizaine de médias chinois en avaient parlé. Aujourd'hui, si on tape sur Google "La carte des maisons de sang", on obtient 1 640 000 résultats. Selon les statistique de Baidu, le Google chinois, les Chinois s'intéressent plus à cette carte qu'à Li Yuchun (une gagnante de d'un jeu de télé-réalité local, ndlr). 

ARTE Journal : pourquoi? 
Bloody Map : "Je pense que c'est parce qu'il y a beaucoup de Chinois, comme moi, qui ont envie de faire quelque chose pour changer la situation actuelle dans notre pays. Quand les gens regardent la carte, à première vue, ils sont dans un état de colère, de tristesse ou de choc. Mais après la colère, la carte permet de réfléchir sur le fond du problème". 

ARTE Journal : pensez vous que votre carte peut faire évoluer la situation? 
Bloody Map : "Ce phénomène d'expropriations violentes est un problème récurrent et compliqué. Libérer sa colère est simple, mais cela ne sert à rien pour changer les choses. Nous sommes habitués à nier notre propre responsabilité et à la rejeter sur les autres. Chacun pense qu'il est innocent. Sur le court terme ça marche, si on peut trouver des personnes à qui faire porter la responsabilité. Mais cela peut-il vraiment résoudre le problème ? Si grâce à cette carte, les consommateurs peuvent être amenés à refuser d'acheter les maisons du sang peut être que les sociétés immobilières pourront arrêter les travaux, que les législateurs pourront voter des lois et que le gouvernement central pourra ré-évaluer sa politique. Je sais que c'est très compliqué, je ne suis pas quelqu'un de naïf. Mais je pense que ce n'est que grâce à la solidarité, si chacun prend sa part de responsabilité, que nous pourront atteindre notre objectif. C'est pourquoi il faut refuser d'oublier. Si un jour, les maisons entachées de sang ont leur musée, que les Chinois osent montrer à nos enfants le sang et les larmes qu'on a versé pour nos terres, alors la Chine sera un pays vraiment harmonieux et grand. Tout passe très vite, mais la "carte des maisons de sang" reste , elle a une vie constante et libre.En cas de besoin, allez jeter un coup d'œil, elle est toujours là. Elle est comme un stèle couverte d'herbes sauvages, mais elle est là". 
Les Chinois luttent encore et toujours contre les expropriations

En Chine, de plus en plus d’expropriés s’immolent par le feu pour faire valoir leurs droits. Reportage vidéo.

Beaucoup de Chinois, sous la menace d'évictions, n'hésitent pas à recourir à ces actions de plus en plus extrêmes pour exprimer leur refus d'indemnisations jugées trop faibles et des méthodes expéditives des autorités locales.

Ces dernières sont responsables de la propriété et de la gestion des terres dans le système communiste chinois, mais elles sont souvent accusées de collusion avec les promoteurs.

A la campagne et dans les villes, ces dernières années, les expropriations ont conduit à la multiplication de familles qui résistent et s'accrochent à leur maison.

Note : Nous postons pour l'instant nos vidéos sur Youtube. Elles ne sont, par conséquent, pas visibles de Chine continentale sans proxy ou sans vpn.


Rédigé par Ecole de Tai Ji Quan Côte basque

Publié dans #taichichuan-cotebasque

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article