Face aux grèves, le régime chinois lance une campagne de répression
Publié le 22 Août 2010
Une récente vague de grèves dans les usines chinoises a mis une nouvelle fois en lumière le manque réel de droits pour les travailleurs chinois et autres
inégalités de la société chinoise. En réponse, le régime a lancé une campagne de répression.
Selon les analystes chinois, la récente vague de grèves est une réflexion sur le mécontentement social en bruit de fond et un malaise issu des inégalités
sociales, d’injustice et d’inflation galopante. Beaucoup de travailleurs en grève ne demandent pas seulement une augmentation de salaire, mais aussi le droit à avoir des
syndicats.
Si les grèves augmentaient, cela pourrait ébranler la position de la Chine comme «usine du monde », et ainsi menacer la légitimité du régime communiste
populaire et sa survie. Pour les experts en troubles sociaux, répondre à la demande des travailleurs par la force brutale ne fonctionnera pas.
Le 13 juin dernier le ministère chinois de la Sécurité publique a cependant annoncé le lancement d’une campagne de sept mois, appelée «frapper fort» afin de
«réprimer plus sévèrement les crimes violents qui affectent sensiblement la sécurité publique» pendant que la Chine traverse une transition économique et une transformation
sociale.
La prise de conscience des droits des travailleurs
Xu Yimin, un militant pour les droits des travailleurs migrants de la province de Jilin, dans son blog appelant à la création d’un syndicat indépendant,
affirme que la vague de suicides à Foxconn et les grèves de Jilin et celles à travers le pays sont principalement dues au fait que les «travailleurs sont sans voix, sans droit, sans moyen
d’expression».
D’après un reportage de New Tang Dynasty Television (NTDTV) du 24 juin, l’année dernière les travailleurs migrants de la campagne de la province de Jilin,
au nord-est, ont demandé aux autorités l’autorisation de créer leur propre syndicat mais leur demande a été rejetée.
En même temps la fédération officielle des «syndicats de toute la Chine» a publié un rapport alertant le gouvernement chinois sur le fait que les jeunes
travailleurs migrants sont de plus en plus nombreux à vouloir exprimer leurs demandes à l’État, un développement interprété comme «un test pour la stabilité de l’État».
Les syndicats officiels empêchent les grèves
Selon une récent reportage publié par The Epoch Times, les syndicats en Chine sont sous le contrôle de l’État et sont généralement de connivence avec la
direction et les représentants du Parti communiste, au lieu de représenter les travailleurs. C’est pour cette raison que les grèves n’ont pu avoir lieu que dans les entreprises étrangères: le
gouvernement chinois avait interdit aux syndicats de le permettre dans les entreprises nationales.
L‘article conclut que «le plus grand avantage [pour le régime] à autoriser [les grèves] est une meilleure image à l’international de son système politique –
les manifestations permises dans les entreprises multinationales pourraient laisser paraître aux yeux du monde entier que le régime est en train de changer sa politique d’étouffement des droits
humains.»
Parmi les dizaines d’usines où il y a eu des grèves en mai, deux cas servent d’exemple: l’usine du japonais Honda à Foshan, province du Guangdong et une
filature de coton chinoise de la ville de Pingdingshan, province du Henan.
Les ouvriers de Honda ont finalement eu gain de cause et ont reçu une augmentation de salaire, alors que la grève des ouvriers de Pingdingshan a été
brutalement réprimée par 2 à 3.000 policiers le 1er juin dernier.
Cependant, les travailleurs des deux usines accusaient les syndicats soutenus par le gouvernement de réprimer les grévistes.
«Le syndicat est pire que la mafia», ont dit les ouvriers de la filature de Pingdingshan à NTDTV.
Les ouvriers de Honda ont affirmé que le syndicat local officiel a pris l’argent des ouvriers puis réprimé la grève par la violence. Les employés ont alors
demandé la réorganisation du syndicat local, ainsi qu’une nouvelle élection du président et du bureau.
Silence médiatique
Pendant que le Parti communiste tolérait en apparence les grèves dans les entreprises à capitaux étrangers, le ministre du Commerce de Chine a minimisé leur
importance.
Et pendant que les organes de presse officiels chinois couvraient massivement et uniquement la grève des employés Honda de mai – provoquant une couverture
médiatique mondiale du sujet, BBC China et le South China Morning Post de Hong Kong découvraient des directives du département de la propagande chinoise pour empêcher que l’information soit
visible dans les médias chinois.
Nombre d’experts chinois disent que le régime lance la campagne «frapper fort» en réponse à la multitude de défis sociaux qui menacent son autorité, sa
crédibilité et sa survie.
Jason Ma, commentateur économique et politique de la télévision NTDTV, explique que des années de tension et de conflits sociaux se sont accumulées et que
les conséquences commencent maintenant à devenir visibles : les séries de meurtres en milieu scolaire, les récentes grèves et la résistance désespérée et violente face aux démolitions
forcées en sont des exemples. Selon Jason Ma, tout cela rend le gouvernement inquiet par crainte d’une explosion de la cocotte-minute du mécontentement social.
Au cours de ces deux derniers mois, l’inflation a été particulièrement rapide et la violence est utilisée par l’État pour décourager la violence de
l’ensemble des citoyens, selon M. Ma. La campagne de répression est révélatrice de cette mentalité. C’est pour le gouvernement un moyen pour assurer un contrôle strict pour au moins les sept
prochains mois.
Pour Showing Young, professeur du département de gestion à l'université nationale de Sun Yat-sen à Taiwan, l'inflation hors-de-contrôle va probablement, à
un moment ou à un autre, forcer les ouvriers chinois à faible revenu à se révolter. Avec la prolifération des technologies des communications modernes bon marché, le régime trouvera de plus en
plus difficile d’empêcher les ouvriers chinois d’organiser des manifestations et des grèves.
Messieurs Ma et Young ont tous deux mis en garde contre l’usage de la violence pour maintenir la stabilité qui pourrait se retourner contre
Pékin.
Cet avis est partagé par la professeure Guo Yuhua du département de sociologie de l’université de Pékin. Celle-ci a exprimé sa colère contre le
gouvernement pour avoir réprimé les grévistes et dit sur NTDTV qu’il était temps de réexaminer la notion de stabilité:
«Le régime pense que la répression peut résoudre les problèmes alors que c’est seulement en protégeant les droits de chacun que la stabilité peut être
maintenue.»
Mme Guo a dit aussi que, puisque le parti communiste s’est appuyé sur les classes ouvrière et paysanne pour prendre le pouvoir, si le gouvernement ne gère
pas convenablement les grèves, il verra probablement sa légitimé populaire s’éroder.
Ces déclarations ouvertes – et risquées – par une universitaire chinoise, sont en soi révélatrices du niveau de mécontentement
populaire.
Le malaise autour des syndicats chinois a aussi été remarqué par les responsables syndicaux aux Etats-Unis. Selon une nouvelle de Reuters du 14 juin,
l'AFL-CIO, le plus grand syndicat américain, envisage de demander à l'administration Obama d'examiner si la Chine ne tire pas un avantage commercial déloyal en niant les droits des
ouvriers.
Écrit par Cheryl Chen et Jane Lin | |
25-07-2010 |