Le Parti communiste chinois, de sa naissance à l'accession au pouvoir

Publié le 11 Juillet 2011

 

NICOLAS JUCHA | 06.07.2011 17:00
  Le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclamait la naissance de la République populaire de Chine, un triomphe politique pour les Communistes. (Image: Wikipedia)

 

Fondé officiellement en juillet 1921, le Parti communiste chinois domine la Chine depuis 1949. Et pourtant, à sa naissance, difficile de prévoir un tel succès politique. Retour sur la naissance et la montée en puissance du PCC, qui fêtait ses 90 ans la semaine passée.

 

Lucien Bianco est un historien sinologue, directeur de recherches à l'EHESS. Il intervient régulièrement dans l'émission Chine Hebdo pour partager avec nous son expertise historique sur la Chine.

Aurélie Planeix : dans quelles conditions est né le Parti communiste chinois en 1921 ?

Lucien Bianco : à ce moment-là avant tout, la Chine est divisée, par ce que l'on appelle les seigneurs de la guerre, des hommes de guerre qui se sont installés dans différentes régions qu'ils contrôlent. Les intellectuels, qu'ils soient communistes ou nationalistes, sont presque tous dégoûtés par l'état de la Chine, anxieux de voire l'impérialisme démembrer leur pays, et ils rêvent d'une révolution qui résoudrait tout cela.

Parmi ces révolutionnaires on trouve les Nationalistes, mais on ne peut pas dire qu'ils représentent les 9/10. Ils sont les 10/10 car les Communistes au fond sont nationalistes également. Les Communistes représentent une infime minorité, ce sont quelques intellectuels. Quand le Parti est fondé, la première année il y a 13 délégués et 57 membres dans toute la Chine.

AP : treize délégués qui vont donner naissance au plus grand parti politique du monde par le nombre. A cette époque, ont-ils conscience que ce parti va prendre le pouvoir et y rester plus de 60 ans ?

LB : c'est incroyable, personne n'y croyait et eux-mêmes non plus... C'est une poignée d'intellectuels, très peu d'entre eux sont marxistes. Ils se sont dits que Lénine venait de faire une révolution dans un pays arriéré comme le leur, que c'était une bonne méthode et qu'il fallait qu'ils essaient. C'est par là qu'ils ont découvert le Marxisme.

C'est moins l'idéologie marxiste que la stratégie de conquête du pouvoir qui les a séduits. Evidemment, forts de leurs convictions, ils avaient des espoirs démesurés. Les observateurs sages estimaient leurs espoirs démesurés et qu'ils n'avaient aucune chance. D'ailleurs, ils se sont alliés au principal parti révolutionnaire, les Nationalistes. C'est comme cela qu'ils sont parvenus, un peu comme un parasite sur un arbre, à croître au détriment de leur grand allié.

AP : ils auraient pu ne jamais y arriver, comment ont-ils finalement su s'imposer face au Guomindang ?

LB : cela a mis très longtemps, c'est que Mao Zedong a appelé «La guerre civile prolongée». Au début, ils ont grandi au dépens du Guomindang, avec notamment «La grande expédition du nord» en 1926, dirigée par Tchang Kaï-shek, qui est le bras militaire du Guomindang.

C'est cette victoire militaire qui a non pas dispersé tous les seigneurs de la guerre mais une partie d'entre eux : il y en a qui ont été battus, d'autres se sont ralliés tout en gardant une certaine autonomie. Le nouveau gouvernement qui s'est alors installé à Nankin était dirigé par Tchang Kaï-shek et le Guomindang.

L'année suivante, il s'est retourné contre ses alliés communistes qu'il a massacré, les obligeant à se réfugier dans les campagnes. C'est là que le mouvement a commencé à s'identifier à Mao Zedong, qui a été l'artisan de la première fondation d'une base communiste rurale dans la province du Jiangxi, dans le sud-est de la Chine. C'est là qu'ils ont créé leur force en mobilisant les paysans.

AP : vous l'avez dit, Mao Zedong incarnait alors le mouvement alors qu'à la fondation du Parti, il n'était qu'un délégué parmi les douze autres...

LB : c'était l'un des moins connus des treize...

AP : quand a t-il fini de s'affirmer ?

LB : dès 1927, après ce massacre des Communistes dans les villes. Il est parti dans les montagnes, s'est allié avec des bandits locaux et il a créé une petite troupe qui a réussi à survivre et à devenir une république soviétique. Le nom était bien-sûr emprunté à l'URSS.

En 1934, après quelques années dans la campagne, ils ont été obligés de fuir, c'était le début de la fameuse "Longue marche", que la propagande du Parti, via les livres, le cinéma, les journaux, présentera ensuite comme une épopée.

Il s'agissait en fait d'une retraite anticipée pour ne pas être annihilé. Ils sont ainsi parti à l'autre bout de la Chine en faisant un très grand détour. Ils ont appelé cela «La longue marche des 10 000 kilomètres», et ils sont allés jusque dans le nord-ouest du pays, dans une région encore plus désolée où ils ont survécu.

Officiellement, ils allaient combattre les Japonais, puisqu'à ce moment-là ce n'était pas encore la guerre, mais la menace japonaise était évidente. Sans cette guerre sino-japonaise, qui a duré de 1937 à 1945, ils n'auraient jamais conquis le pouvoir. Ils n'avaient pratiquement aucune chance, ils étaient très faibles.

Autant la Révolution russe est née de la Première guerre mondiale, autant la Révolution chinoise est née de la seconde.

A la faveur de la guerre, derrière les lignes japonaises, Mao Zedong a étendu son contrôle sur de plus en plus de régions rurales. Mais ce sont beaucoup moins les progrès des Communistes que le désastre du Guomindang et sont affaiblissement terrible après cette guerre de huit ans contre le Japon qui ont permis aux Communistes de s'imposer.

Entre le Guomindang et les Japonais, la disproportion des forces était énorme. Il était évident que le Japon était mieux équipé, mieux armé. Toute la victoire des Chinois, c'est d'avoir tenu jusqu'à Pearl Harbor et l'entrée dans la danse des Américains. Ce sont ces derniers avec les Anglais qui vont gagner la guerre pour eux.

AP : en 1949, les Communistes ne s'imposent que grâce à l'effondrement du parti rival ?

LB : essentiellement, en 1945, il y avait déjà des observateurs lucides qui disaient que la guerre civile était inévitable, et que le Parti communiste l'avait gagnée d'avance. Cela apparaît comme un paradoxe, car ils étaient eux aussi moins bien armés que le Guomindang. Mais les problèmes de ce dernier, notamment à l'arrière du front, étaient tels (crise financière, inflation, corruption) que le régime était devenu impopulaire, devant essuyer des émeutes dans les villes. Beaucoup se sont alors ralliés aux Communistes.

Il faut mettre l'accent sur la faiblesse du vaincu plutôt que sur les atouts du vainqueur

 

Rédigé par Ecole de Tai Ji Quan Côte basque

Publié dans #taichichuan-cotebasque

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