Une nuit d'hiver avec les pétitionnaires

Publié le 29 Janvier 2011



Écrit par GlobalVoicesOnline   
20-01-2011

 

Le triste sort des «pétitionnaires» de Pékin. (SNU)
Le triste sort des «pétitionnaires» de Pékin. (SNU)
Le triste sort des «pétitionnaires» de Pékin, ces personnes qui viennent dans la capitale pour déposer officiellement une plainte, et dont l'un a passé 52 ans à attendre d'être entendu, a pris corps lorsqu'un avocat est sorti de son bureau pour vivre leur misère à leurs côtés.

Pékin est un lieu phare pour les pétitionnaires, lesquels traversent le pays en provenance de différentes provinces pour déposer des appels administratifs ou juridiques au bureau d'État pour le courrier et les demandes. Comme la plupart des affaires présentées par les pétitionnaires sont liés à la corruption locale, le Bureau central des pétitions reste leur seul espoir. Toutefois, cet espoir est vain. Mis à part le fait que le bureau du gouvernement pour les pétitions n'a pas la capacité de s'occuper d'autant de cas, de nombreux pétitionnaires ne savent pas comment défendre leur affaire et ils n'ont personne pour les aider. Résultat: ils sont coincés à Pékin sans argent et sans domicile. Pour ajouter à leur misère, l'hiver froid de Pékin les rend encore plus vulnérables mais peu de gens semblent s'en soucier.

Afin de sensibiliser l'opinion publique à leur cause, Zhang Kai, un avocat spécialiste des droits humains, a décidé de troquer le confort de son foyer contre une nuit passée avec eux dans un couloir souterrain, près de la gare sud de Pékin. Il a raconté en direct sur son microblog ce dont il a été témoin vers minuit, le 14 décembre, lorsque la température est tombée à -7°C.

À travers des photographies et des tweets, Zhang nous met face à la misère des pétitionnaires lesquels continuent à réclamer leurs droits. Il écrit:
«Ce soir, je vais aller à la gare sud de Pékin rendre visite aux pétitionnaires dans le couloir souterrain. Vous ne pouvez imaginer qu'il y en ait autant qui vivent dans le souterrain sous cette ville prospère. L'un d'eux a passé 52 ans à faire des pétitions et ce soir, je vais rester avec eux dans le souterrain.»

«Vous pouvez passer les voir et leur poser des questions ici. Beaucoup vous montreront des documents concernant leur cas, pensant que vous êtes un agent du gouvernement. Une vieille dame est en train de dormir sur le trottoir et je l'ai interviewée sur sa pétition. Elle m'a raconté son histoire les larmes aux yeux.»

«C'est ma première interviewée et elle croit en Dieu. Elle a dit que sans Dieu, elle serait morte. Il y a deux ans, la police lui a dit que son mari était mort dans un accident de voiture. Cependant, son corps a été incinéré avant qu'elle ait eu la possibilité de le voir. Il n'y a eu aucun procès-verbal de l'accident de voiture et elle ne croit pas que son mari s'était tué de cette façon. Elle soupçonne que l'on a vendu ses organes. Elle a eu l'impression que quelqu'un essayait de la tuer et il ne lui restait plus qu'à continuer de déposer des pétitions. Elle n'a pas cessé de pleurer tandis qu'elle parlait.»

Le triste sort des «pétitionnaires» de Pékin. (SNU)
Le triste sort des «pétitionnaires» de Pékin. (SNU)
«Cette fille accompagne sa mère pour déposer la pétition. Elle souffre d'une étrange maladie et ne peut se permettre un quelconque traitement. Tout ce qu'elles peuvent faire, c'est attendre.»

«Les pétitionnaires ramassent les légumes jetés au marché et préparent leurs repas dans la rue. S'ils ont de la chance, ils se débrouilleront pour ramasser des os abandonnés pour faire de la soupe.»

«Ce soir, je passerai la nuit avec les pétitionnaires dans ce souterrain. Des gens ont dit que ce serait la nuit la plus froide depuis que l'hiver est arrivé. Cependant, la souffrance des pétitionnaires est plus rigoureuse que le temps.»

«Le temps est si froid que lorsque vous vous réveillez dans le souterrain, il se peut que quelqu'un soit mort... Certains pétitionnaires ont seulement une couverture pour lutter contre le froid.»

«Les pétitionnaires sont si désireux de vous raconter leur histoire. Ils pensaient que j'étais leur sauveur mais en fait, je ne peux pas faire grand chose pour eux.»

«Je me suis senti serein en dormant avec eux. Ce qu'ils ont traversé reflète la stratégie du système juridique chinois. Un juriste devrait se retrouver face à cette réalité afin de comprendre l'esprit de la loi.»

«Ce ne sont pas des mendiants mais des pétitionnaires. Qui a dit qu'ils ne contribuaient pas à l'État de droit en Chine? Ils ont passé leur vie en quête de justice. Ils se sacrifient dans le processus. J'espère que cette sorte de misère humaine fera partie de l'Histoire un jour.»

«Mes pieds sont gelés, des amis me donnent deux couvertures. Pourtant, ils n'ont qu'une très fine couverture. Ils m'ont dit que de temps en temps la patrouille municipale et la police leur enlèvent de force leurs couvertures.»

«Ce vieil homme a fait des pétitions pendant 52 ans. Il a dit quelque chose qui était politiquement répréhensible et a été condamné à trois ans de rééducation par le travail. Il a perdu sa place de fonctionnaire et ne s'est jamais marié. Il ne voulait plus vivre et il a essayé de se suicider en poursuivant des grèves de la faim plusieurs fois.»

«(Voici) un étudiant pétitionnaire de 25 ans. Sa maison a été démolie par la force. Il est assis tranquillement dans le souterrain et continue à lire un livre. Je me demande s'il passera aussi sa vie à faire des pétitions.»

«C'est le plus jeune pétitionnaire que j'aie jamais rencontré. Vingt-cinq ans. Il parle très peu et il refuse de me parler. Des gens ont dit que son père a été battu si durement durant cette démolition forcée qu'il est devenu handicapé.»

«Cette enfant ne cesse de pleurer. Est-ce qu'elle a trop froid ou fait-elle un cauchemar? Elle n'a que cinq ou six ans. A quoi ressemblera sa vie?»

«Il est maintenant très tard. De nombreux pétitionnaires viennent encore me montrer leurs documents et me raconter leur histoire. Beaucoup de cas sont sans espoir mais je me refuse à les persuader de laisser tomber.»

«Ma main est à présent gelée et je ne peux plus tweeter. Vers 4 heures du matin, les pétitionnaires quitteront le souterrain et feront la queue au bureau des pétitions. J'irai avec eux. C'est mon dernier tweet ce soir. J'espère que Dieu bénira ce pays. Bonne nuit.»

 

Rédigé par Ecole de Tai Ji Quan Côte basque

Publié dans #taichichuan-cotebasque

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