Hier, le dissident était un héros

Publié le 18 Novembre 2008

Hu Jia, 35 ans, dissident chinois, vient de se voir attribuer le prix Sakharov par le Parlement européen. Défenseur de l’environnement au milieu des années 1990, il était alors célébré par la presse officielle. Son engagement auprès des victimes du sida puis des victimes d’expropriation lui valent à présent d’être derrière les barreaux.

Le 23 octobre, l’activiste chinois Hu Jia a reçu, “au nom des sans-voix de la Chine et du Tibet”, le prix Sakharov des droits de l’homme, décerné par le Parlement européen. Il purge une peine de prison de trois ans et demi, à laquelle il a été condamné pour “incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat” le 3 avril dernier. La Chine, qui avait exercé de multiples pressions pour que ce prix ne lui soit pas attribué, a fait part de son “fort mécontentement”.
Militant des droits de l’homme, Hu Jia a commencé sa carrière d’activiste dans le domaine de l’environnement, avant de faire porter ses efforts sur le soutien aux victimes du sida au Henan, puis sur la défense des victimes d’expropriation et de déni de droits. Soumis à un harcèlement policier croissant, il a été maintes fois assigné à résidence, et la plupart du temps privé de liberté depuis 2005. Aussi avait-il largement développé l’usage d’Internet comme moyen de communication. Il avait ainsi témoigné devant le Parlement européen par visioconférence en 2007. Mais, même aux yeux de la Chine, Hu Jia n’a pas toujours été le criminel qu’elle décrit aujourd’hui. Défenseur de l’environnement, il a été l’un des personnages positifs de la presse officielle, comme en témoigne le portrait de l’organe de la Ligue de la jeunesse communiste publié en 2001, dont voici quelques extraits.
Les réalisations de Hu Jia m’inspirent une profonde admiration. Je l’ai même imaginé en modèle pour la jeunesse. Sans jamais courir après la gloire personnelle, ce jeune homme de 27 ans s’épuise à protéger l’environnement. Il en a même contracté une hépatite. D’un calme déroutant, d’une immense courtoisie et d’une modestie étonnante, Hu Jia semble sans cesse vouloir se mettre à la place des autres. Au cours de notre conversation, son téléphone portable a sonné à plusieurs reprises. Il s’est systématiquement excusé avant de décrocher puis, de peur de déranger, s’est détourné pour chuchoter. Une telle élégance se rencontre rarement chez les jeunes de son âge.
Diplômé en 1996 de l’université d’économie et de commerce de la capitale, section informatique, il est embauché comme réalisateur par la chaîne télévisée de Pékin. A cette époque, un article du Quotidien du peuple intitulé “Rencontre inattendue entre un Chinois et un vieux Japonais à l’occasion de la prévention de la désertification” va bouleverser sa vie. Alors âgé de 23 ans, Hu Jia prélève à l’occasion du nouvel an chinois 100 yuans sur ses étrennes pour les envoyer en Mongolie-Intérieure, là où, selon l’article, le combat contre la désertification est mené. Bientôt, il se rend sur place accompagné par un ami, Lin Yi, lequel fait un don de 3 000 yuans. Pendant une semaine, aux côtés du vieux Japonais et d’habitants de la région, ils plantent des arbres. Hu Jia a été le premier Chinois à verser une contribution à cette initiative ; lui et son ami Lin Yi sont également les deux premiers bénévoles à avoir spontanément apporté leur aide au programme de reboisement.
Après une année passée à la télévision, Hu Jia rejoint l’association de protection de l’environnement Les amis de la nature (Ziran zhi you). Sa volonté d’œuvrer en faveur de cette cause le pousse à entreprendre de longs voyages dans les zones protégées. Ses économies fondent peu à peu ? Peu lui importe ! Il aime se sentir utile.
Tant ses actions que son comportement m’ont touché. Sa passion pour la nature remonte à sa plus tendre enfance. Aujourd’hui, il prône une vie en bonne harmonie avec la faune et la flore. Assis à ses côtés, je ressens pourtant une étrange impression de distance, comme s’il habitait dans un autre monde, un monde empli par le chant des oiseaux et parsemé de fleurs, le monde de ses rêves, le monde qu’il défend de toutes ses forces, un monde qui n’est pas celui dans lequel nous vivons.
Voilà donc un jeune homme de 27 ans sans revenus, à la santé fragile et qui ne songe pas à son avenir ! Hu Jia se réfugie dans un travail acharné. Pas une minute ne s’écoule sans qu’il pense aux autres, à l’œuvre à accomplir, à la protection de l’environnement… Et sans jamais songer à lui-même.

 

Cai Ping

Zhongguo Qingnian Bao

Rédigé par Taichichouaneur

Publié dans #taichichuan-cotebasque

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