Au-delà des effets d’annonce
Publié le 21 Décembre 2008
Les dix mesures de relance économique publiées par le gouvernement chinois dépassent largement toutes
les supputations faites à ce sujet, publiquement ou en coulisse, en Chine comme à l’étranger. Les détails de ce plan sont assez peu commentés par les observateurs, et ce sont surtout les termes
d’intervention “rapide” et “vigoureuse” qui ont provoqué de promptes réactions [positives] sur les marchés boursiers. Mais l’heure n’est vraiment pas à l’allégresse, et les
attentes excessives sur un effet à court terme de ce plan de relance ne sont pas de mise, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le ralentissement économique à l’étranger est toujours manifeste. Cela implique que les économies émergentes qui dépendent de la demande extérieure vont subir plus longtemps les
affres de la récession. Ensuite, la vitesse du dérapage économique chinois a dépassé les attentes. En octobre, l’indice des prix à la consommation était en recul pour le neuvième mois d’affilée,
atteignant un niveau de 4 % l’an. Parallèlement, l’indice des nouvelles commandes à l’exportation enregistrait quant à lui un repli de 7,4 points. Dans les deux cas, cela montre que
l’offre est supérieure à la demande aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur. Plus fâcheux encore, le mois dernier, l’épargne des ménages a bondi de 21,1 %, un record depuis la crise
financière [de 1997] en Asie.
Une synthèse des différents indicateurs permet de constater que la dégradation de la conjoncture économique chinoise est encore plus prononcée aujourd’hui qu’il y a dix ans [la croissance au
troisième trimestre est passée à 9 %, contre 11,9 % l’an dernier à la même période]. C’est à partir de ces données qu’il convient d’examiner le plan de relance immédiate.
Il est évident que, si l’on veut regagner la confiance de la population et garantir l’efficacité de cette politique, le point crucial est de trouver au plus vite des sources de financement pour
les 4 000 milliards de yuans [460 milliards d’euros] prévus d’ici à fin 2010.
Les emprunts garantis par l’état ne suffiront pas
Le gouvernement sera bien sûr le principal bailleur de fonds. Etant
donné la capacité d’endettement de la Chine, l’émission l’an prochain d’emprunts d’Etat en quantité non négligeable ne devrait poser aucun problème. Cependant, on estime entre 1 000 et
2 000 milliards de yuans [entre 115 et 230 milliards d’euros] le montant des investissements qui seront financés par des emprunts lancés par le gouvernement central et les
autorités régionales ; pour le reste, il faudra donc trouver d’autres types de financement. Voilà qui souligne la nécessité d’encourager d’autres bailleurs de fonds (particuliers,
entreprises ou investisseurs étrangers) à se joindre à la “grande bataille pour la demande intérieure”.
Je suis de ceux qui considèrent que les incitations gouvernementales ne sont pas suffisantes, et qu’il faut stimuler l’ardeur à investir d’autres types d’investisseurs et dynamiser l’épargne. Il
est indispensable de baisser certaines barrières à la production et à l’investissement. Par exemple, on peut envisager de diversifier les types de capitaux pour le financement de secteurs comme
les chemins de fer, les hôpitaux ou la protection de l’environnement. Le droit de contrôle de l’Etat restant la règle, il faudrait partager les opportunités d’investissement avec les bailleurs de
fonds privés.
Pour atteindre cet objectif, il faut que les pouvoirs publics locaux et les services de tutelle des entreprises détaillent davantage les règles régissant un “gouvernement de service public”, afin
de mieux satisfaire les attentes diverses de tous les investisseurs (particuliers, entreprises et investisseurs étrangers). Par ailleurs, il serait bon que les gouvernements régionaux élaborent
au plus vite leur politique de stimulation des investissements majeurs, et qu’ils rectifient au plus vite la mauvaise renommée de leur politique fiscale foncière. Cela permettrait au modèle de
croissance économique régional de franchir un nouveau cap. Quant aux organismes de tutelle des entreprises, ils pourraient réfléchir à la mise en place d’un nouveau système d’encadrement concret
des investissements des entreprises. Ils “apporteraient l’eau nécessaire pour élever du poisson” et rectifieraient indirectement la pratique d’une minorité d’acteurs en situation de monopole
consistant à “assécher l’étang pour prendre le poisson”.
Shen Hongpu*
* Economiste en poste dans un institut de recherches sur le risque économique à Pékin.