Succès de librairie pour un pamphlet nationaliste

Publié le 6 Mai 2009

Après l’agitation diplomatique de 2008 autour des Jeux olympiques et du Tibet, plusieurs auteurs se sont réunis pour dénoncer l’emprise excessive de l’Occident sur leur pays.

 

Ces derniers temps, les nerfs des Chinois ont été mis à rude épreuve par le face-à-face entre navires américains et chinois en mer de Chine méridionale, les revendications de souveraineté sur certaines îles de la mer de Chine méridionale de la part d’Etats riverains [voir CI n° 961, du 1er avril 2009], l’affirmation par le Japon de l’application du traité de sécurité nippo-américain au sujet des îles Diaoyu (ou Senkaku, en japonais), la vente aux enchères [en France] de deux têtes d’animaux en bronze provenant de l’ancien palais d’Eté de Pékin et les déclarations irresponsables des pays occidentaux sur la question tibétaine [allusion au différend fran­co-chinois de 2008]. C’est dans ce contexte que vient de paraître un nouveau livre polémique, intitulé Zhongguo bu gaoxing [La Chine n’est pas contente]. Ses auteurs critiquent sévèrement les pays occidentaux, en premier lieu les Etats-Unis. “C’est en quelque sorte une actualisation du livre paru en 1996 sous le titre Zhongguo keyi shou bu [La Chine peut dire non (pamphlet contre l’excès d’influence occidentale sur la Chine dans les années 1980)]. Au cours de ces douze dernières années, beaucoup de choses ont évolué en Chine et à l’extérieur, mais il y a une chose qui n’a pas changé, c’est le rapport entre la Chine et l’Occident”, estime Zhang Xiaobo, l’initiateur du projet.

Les intellectuels chinois se berçaient d’illusions

Les différents événements de 2008 “nous ont stressés et irrités. La Chine s’est donné beaucoup de mal pour obtenir l’organisation des Jeux olympiques, dans lesquels elle plaçait beaucoup d’espoir, elle pensait être parvenue à occuper le centre de la scène internationale, mais elle s’est heurtée au boycott de l’Occident*, qui l’a considérée comme une entité à part”, regrette M. Zhang. Il nie que les propos tenus dans le livre soient outranciers. Les auteurs ne pensent pas du tout que leurs opinions sont excessives. C’est le fruit d’une sérieuse et longue réflexion de leur part, assure-t-il. “En ce qui concerne les relations entre la Chine et l’Occident depuis une vingtaine d’années, nous estimons qu’elles se résument à une tentative d’endiguement et à une lutte contre l’endiguement… Jadis, les intellectuels chinois se berçaient d’illusions en rêvant au système démocratique occidental et à la prétendue échelle de valeurs occidentale, poursuit Zhang Xiaobo. Or, dans leurs relations avec la Chine, les pays occidentaux font à tour de rôle assaut de diplomatie pour gagner de l’argent sur le dos de la Chine. Que ce soit les Etats-Unis ou ­l’Allemagne, ils agissent tous ainsi, et il n’y a pas de quoi être satisfait. L’année 2008 a été marquée par le conflit entre la Russie et la Géorgie. La violente réaction russe après les événements est ­instructive pour la Chine, car elle montre qu’il faut contre-attaquer en cas de conduite agressive de l’Occident”, ajoute-t-il. Selon Zhang Xiaobo, l’Occident n’a pour objectif que de réaliser des profits en Chine. “Il y a trente ans, la Chine était dans la pauvreté la plus complète, tandis que l’Occident faisait bombance. Comment auraient-ils pu nous craindre ? Mais, à présent, la Chine a décollé. La vie quotidienne de 1,3 milliard de personnes, le développement du pays, tout cela nécessite des ressources, et les étrangers commencent à s’inquiéter de voir la Chine nuire à leurs intérêts”, rappelle-t-il. Cependant, un des auteurs du livre, Huang Jisu, estime qu’il faut s’inspirer des bons fruits de l’industrialisation occidentale.

“La Chine n’a pas vécu pour rien ses cent soixante-dix ans d’histoire récente, et l’industrialisation occidentale a forcément des atouts du fait de ses nombreuses années d’existence. On ne peut pas rejeter en bloc l’Occident à cause d’une simple crise financière”, explique-t-il.

La Chine doit aussi sauver l’humanité

Et ces valeurs qu’ont toujours à la bouche les Occidentaux ? Le pays doit-il aussi s’opposer à leur pénétration ? La réponse de Huang Jisu est sans ambiguïté. “Si elle veut figurer parmi les leaders du monde, la Chine doit absolument se doter d’atouts supérieurs… Il ne faut pas perdre les acquis de cinq mille ans d’histoire. Il nous faut récupérer une grande partie de ce que nous avons jeté”, souligne-t-il, avant d’ajouter que “non seulement la Chine doit se sauver elle-même, mais elle doit aussi sauver l’humanité. En ces temps de crise financière, la Chine doit guider le monde vers la sortie de la crise. Le peuple chinois doit assumer cette tâche, aussi lourde soit-elle.” En 1996, la première édition de La Chine peut dire non avait été tirée à 50 000 exemplaires. L’ouvrage avait fait grand bruit, mais aussi suscité de nombreuses polémiques.

 

Il avait été considéré comme un brûlot attisant les sentiments nationalistes en Chine dans les années 1990 ; une centaine de médias du monde entier en avaient parlé et il avait été traduit en huit langues [au 1er avril 2009, “La Chine n’est pas contente” s’était vendu à 100 000 exemplaires]. Au sujet de l’étiquette “nationaliste” collée au livre par les médias occidentaux, Zhang Xiaobo pense que ce genre de propos allait bon train il y a dix ou vingt ans, mais “si l’on en vient à museler sa pensée de peur de se faire étiqueter ainsi, ne risque-t-on pas de laisser se propager l’idée de ‘menace chinoise’ sans rien oser dire ni rien oser faire ? Il faut absolument que la Chine sorte de ce cercle vicieux.” “Quand La Chine peut dire non a paru, certains ont affirmé que le livre dévoilait les visées stratégiques de la Chine. Rester dans l’ombre en attendant son heure n’est pas forcément une mauvaise chose, mais faut-il pour autant ne pas oser agir, ne pas oser penser, ne pas oser s’exprimer ? Nous ne pouvons plus utiliser des critères occidentaux pour juger nos comportements, nous ne pouvons pas toujours agir selon l’optique occidentale. Prenons le cas de la vente aux enchères des bronzes de têtes d’animaux du palais d’Eté. L’Occident critique le collectionneur chinois qui refuse de régler son achat, en affirmant que c’est répondre au mal par le mal et qu’il s’agit d’un acte despotique. Mais c’est bien peu à côté du vol initial de ces bronzes. Les deux affaires ne sont pas du tout du même ordre. Aussi ne faut-il pas faire trop attention à ­l’opinion publique internationale…”, conclut-il.

 

* Les Jeux de Pékin n’ont pas été boycottés, mais la présence des chefs d’Etat et de gou­vernement aux festivités d’ouverture a été un sujet de confrontation diplomatique. En particulier celle de Nicolas Sarkozy, qui l’a un moment fait dépendre de la tenue de négociations entre Pékin et des représentants du dalaï-lama.

Rédigé par Taichichouaneur

Publié dans #taichichuan-cotebasque

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