Les rivières du Tibet étranglées par des barrages

Publié le 30 Avril 2010

Écrit par James Burke, La Grande Époque   
09-04-2010

 

 La construction de nombreux barrages en Chine sur des fleuves comme le Mékong menace la vie en aval
Le fleuve Mékong (appelé Lancang en Chine), dont la source est au Tibet, est extrêmement important pour certains pays d'Asie du Sud-Est. La construction de nombreux barrages en Chine sur des fleuves comme le Mékong menace la vie en aval. (Frederic J. Brown/AFP/Getty Images)

BANGKOK – L'entreprise du documentariste canadien Michael Buckley d'enquêter sur la nouvelle ligne de chemin de fer au Tibet a été avortée lorsqu'il a découvert que les rivières de la région étaient étranglées par la construction de nouveaux méga-barrages.

«Je suis allé au Tibet bon nombre de fois et je n'ai jamais remarqué de barrages – ils sont cachés, au fond des gorges qui sont invisibles de la route», a expliqué Buckley après une projection de son documentaire 
Meltdown in Tibet dans la capitale thaïlandaise, Bangkok.

En faisant équipe avec un groupe de touristes qui parcouraient les rivières du Tibet en kayak en 2005, Buckley est tombé sur des barrages nouvellement construits pour détourner l'eau et produire de l'hydroélectricité pour la Chine.

«Alors les seuls gens [occidentaux] qui sont au courant sont les kayakistes puisqu'ils les ont vus – ils descendent la rivière puis, tout d'un coup, il y a un immense barrage», raconte-t-il.

«Si vous voulez tuer une rivière, construire des barrages est la meilleure manière», ajoute-t-il.

Parmi les fleuves ayant leur source au Tibet, qui ont fait l'objet d'une enquête pour le documentaire de 40 minutes, il y a le fleuve Salouen qui coule en Chine, en Birmanie et en Thaïlande et se déverse dans la mer d’Andaman.

«La rivière est appelée 
Gyalmo Ngulchu en tibétain, qui se traduit à peu près par “la Reine de l'eau argentée”», explique la narration du film.

«Malgré une grande opposition en Chine, et venant des pays voisins, les ingénieurs chinois vont de l'avant avec un plan pour construire 13 méga-barrages sur la Salouen. Plusieurs sont déjà en chantier, dont un a la taille d'un édifice de 60 étages.»

Michael Buckley s'est également penché sur une rivière appelée 
Dri Chu par les Tibétains, soit la rivière du Yak, qui devient le Yangtsé. Ce fameux fleuve, tout comme son frère le fleuve Jaune,  peine à atteindre la mer.

«Tout en amont du Yangtsé – aux abords du plateau tibétain – il y a trois autres grands barrages en construction et cinq autres sont en train d'être planifiés», indique-t-on dans le film.

Ses recherches ont démontré que 31 méga-barrages devraient être construits dans la région des trois fleuves parallèles, qui inclut le Yangtsé supérieur, le Mékong supérieur et la Salouen.

Le dictum de Mao

 
M. Buckley affirme que 60 % des dirigeants communistes (y compris l'actuelle tête Hu Jintao) possèdent un bagage en ingénierie et plusieurs d'entre eux ont des intérêts dans des compagnies d'ingénierie et dans le financement de projets de barrages internationaux.

L'eau manque dans le fleuve Yangtsé.
L'eau manque dans le fleuve Yangtsé. La sécheresse historique comme seule cause ou bien les barrages ont aussi leur part de responsabilité? (STR/AFP/Getty Images)


Tandis que la Chine est le plus prolifique bâtisseur de barrages au monde, dit-il, les autorités communistes ne s'accablent pas de prendre en compte dans leur planification les effets sur l'environnement.

«Dans les années 1950, le 
dictum de Mao était que les humains pouvaient conquérir la nature, et il a lancé des projets très bizarres qui tentaient de prouver qu'on pouvait s'attaquer à la nature et gagner – dans beaucoup de cas il a perdu», explique Buckley.

«Le 
dictum de Mao est encore présent aujourd'hui, soit que les Chinois peuvent lutter contre la nature et gagner. C'est quelque chose qui imprègne la mentalité chinoise depuis les 50 dernières années.»

Il mentionne que le système hydrographique de la Chine est tellement dévasté par l'industrialisation sauvage qu'il en résulte que 70 % des réserves d'eau du pays sont non potables et ne peuvent soutenir la vie aquatique.

«Les rivières sont mortes […] Ils n'essaient pas de nettoyer leurs rivières. Leur solution est “prenons l'eau du Tibet”», explique-t-il. Le détournement de l'eau des hautes terres tibétaines vers le nord de la Chine est à l'étape de la planification et se concrétisera par la construction d'un immense réseau d'aqueducs en béton, indique M. Buckley.

«Le grande utopie de la Chine est de détourner l'eau abondante du plateau tibétain vers des villes assoiffées du nord et de l'ouest de la Chine qui comptent environ 300 millions de personnes», estime-t-on dans le documentaire. «Un projet de détournement de cette ampleur n'a jamais été tenté dans le monde de l'ingénierie.» 


En aval


Le Dza Chu, ou le fleuve Mékong, voit le jour dans les montagnes du Tibet et devient, comme il est décrit dans le film, «un torrent qui gronde alors qu'il tourbillonne dans les gorges profondes, chutant d’un surprenant 4500 mètres d’altitude à travers le Tibet et la Chine sur une distance de 1800 km et se domptant finalement au Laos».

La construction de barrages sur le Mékong supérieur a altéré dramatiquement l'écoulement du cours d'eau, affectant les pays se trouvant en aval : Birmanie, Cambodge, Laos, Thaïlande et Vietnam. Les groupes environnementalistes à l'extérieur de la Chine blâment quatre méga-barrages sur le Mékong supérieur pour expliquer que le niveau de l’eau du fameux fleuve est à son plus bas depuis 50 ans.

Pékin a rejeté les allégations et indique que la sécheresse en est la cause. Elle a aussi refusé de montrer aux étrangers combien d'eau est retenue par les barrages.


Nomades tibétains


Alors que le documentaire de Buckley met l'accent sur les effets de la construction des barrages, il se penche également sur le cas des nomades tibétains.

«Je fais ça pour contrer l'approche propagandiste qui dit qu'“ils [les dirigeants communistes] sont pour la conservation”, ce qui est ridicule. Ils disent qu'ils enlèvent les nomades des plaines pour protéger les plaines et ils s'en tirent», s'indigne Buckley.

Beaucoup de ces régions, qui étaient habitées par des nomades tibétains et leurs troupeaux de yaks, ont été déclarées parcs nationaux par les autorités chinoises, affirme-t-il.

«C'est juste un subterfuge. Ils ne veulent pas que des gens habitent là. Les nomades se font enlever leurs terres pour faire place aux projets hydroélectriques et aux exploitations minières», dénonce-t-il.

Des informations supplémentaires sur le documentaire sont disponibles sur le site : Meltdown in Tibet

Rédigé par Ecole de Tai Ji Quan Côte basque

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