Il semblerait que les tensions révélées sur le plan
sportif entre la Chine et la Grande
Bretagne lors des JO de Londres ne soient que le reflet de vieilles rancœurs éprouvées par la Chine envers son ancien colonisateur.
Traduction et reprise d'un article publié par Bloomberg.
JO de Londres, 6 août 2012, finale du concours des anneaux. La Chine retient son souffle, persuadée que son athlète va rafler l’or, quatre ans après sa victoire à Pékin.
Lorsque Chen Yibing prend alors la tête du classement avec un score élevé de 15 800, tout va pour le mieux côté chinois – mais ce soulagement est de courte durée.
Peu de temps après, le Brésilien Arthur Zanetti, dont la performance est loin d’être aussi parfaite que celle du gymnaste chinois obtient néanmoins un score de 15 900.
Réactions en chaîne suite à la défaite de Chen Yibing
La réaction en
ligne d’une horde de bloggeurs chinois furieux ne se fait pas attendre : la Chine a non seulement été privée d’une médaille d’or légitime, mais le pays a également été victime
d’un manque de respect par les autorités sportivesdont
le jugement a, selon eux, été biaisé.
Il est certain que la médaille d’argent de Chen a provoqué l’outrage des fans sur Sina Weibo, le plus populaire site de microblogging chinois, avec des déclarations telles que : « le 6 août 2012 : jour noir dans l’histoire de la gymnastique ».
Des critiques révélant l’appréhension de la Chine envers
l’Occident
Mais en réalité, la réaction engendrée suite à la déception de Chen reflète un sentiment exprimé de façon générale par les Chinois – et pas seulement par des fans sportifs un peu
trop virulents – selon lequel les Jeux Olympiques de Londres ne sont qu’une nouvelle opportunité pour les pays occidentaux de contenir, voire de reconsidérer la légitimité de la place de la
Chine sur la scène internationale.
Il n’est pas surprenant de constater que l’héritage du colonialisme britannique est régulièrement invoqué, comme c’est le cas dans ce tweet posté par un utilisateur de Sina Weibo dans la
province du Hunan : « jusqu’à maintenant, la Grande
Bretagnene nous a apporté que trois choses : la Guerre de l’Opium, la destruction du Palais d’Été et les Jeux Olympiques de Londres ».
Mais, si certains bloggeurs fondent leurs attaques sur les antécédents historiques entre la Chine et la Grande Bretagne, la plupart d’entre eux reproche aux
autoritéssportives d’avoir été influencées par les évènements récents, incluant notamment les conflits de souveraineté que connaît la Chine actuellement.
Peu de temps après la défaite de Chen à l’épreuve des anneaux, un utilisateur de Sina Weibo a déclaré : « au fil de cette édition des Jeux Olympiques, nous avons pu constater que les
Chinois deviennent de plus en plus impopulaires. Ce n’est pas qu’une question de sport. Ceci se reflète aussi bien à travers le mépris qu’expriment les habitants de Hong
Kong envers les touristes chinois continentaux, qu’à travers des évènements plus importants, comme les conflits dans la Mer de Chine méridionale… Nous avons un long chemin à
parcourir avant d’être considéré comme leader mondial et d’obtenir la reconnaissance internationale ».
Les plaintes concernant le manque de respect envers les Chinois avaient émergées fin juillet, après que la chaîne télévisée de Phoenix, basée à Hong Kong, rapporte qu’une annonce en
mandarin avait été diffusé à l’intention de « nos amis journalistes chinois », les empêchant de filmer les personnels du centre de presse des JO sans demander l’autorisation préalable.
Aucune annonce de la sorte n’a été diffusée dans d’autres langues, notifiait Phoenix, tout comme de nombreux blogueurs chinois, qui ont très vite amplifié l’incident.
Dans les jours suivants la
Cérémonie d’Ouverture, la liste des affronts s’est rapidement allongée (alors même que la Chine a vite rassemblé de nombreuses médailles). Parmi eux figurent les accusations
sans fondement selon lesquelles la nageuse chinoise Ye Shiwen était dopée lors de son record mondial ; ou encore la course à vélo pendant laquelle le duo chinois a été rétrogradé de la
première à la seconde place, en raison d’une faute technique, ainsi que le tristement célèbre scandale du badminton dans lequel les duos chinois, sud-coréens et indonésiens ont tenté
d’expédier leurs matchs (ce qui a entrainé leurs disqualifications). Même le nageur chinois, Sun Yang, qui a battu son propre record et remporté l’or au 1 500 m nage libre, n’a pas échappé
à des rumeurs de tricherie.
Ces divers affronts ont été compilés et débattus entre les blogueurs chinois et les critiques envers les autorités olympiques étrangères sont allées très loin. Celles-ci sont tacitement ou
même explicitement associées aux pouvoirs occidentaux, laGrande Bretagne étant un ancien colonisateur de la Chine.
Des tensions bien loin de l’esprit olympique
Dans le même esprit, Xinhua, l’agence de presse officielle, a publié un éditorial écrit par trois de ses reporters, dont le titre était : « Derrière le problème Ye Shiwen ». L’article analyse pourquoi les
médias et les officiels occidentaux ont interrogé la nageuse de 16 ans. Pour Yi Jiandong, fonctionnaire travaillant à l’Université des Sports de Pékin cité dans l’article, « la raison pour laquelle les médias occidentaux ont interrogés Ye Shiwen est
qu’il ne peuvent pas supporter une percée de la Chine dans une discipline fare de l’occident. Mais la chose la plus importante est qu’ils ne peuvent pas accepter la montée de la Chine,
c’est pourquoi ils critiquent les athlètes chinois ».
Xinhua est une voix officielle, mais il n’est pas difficile de percevoir les allusions de la croyance du gouvernement chinois selon laquelle les Jeux Olympiques ne seraient que le dernier
affront occidental dans la bataille menée contre l’émergence de la Chine.
Peu après la médaille d’argent de Chen Yibing, un bloggeur de Sina Weibo, dans le Xi’an, a posté le message suivant : « Pourquoi la Chine a subi autant de discriminations pendant les Jeux Olympiques ?
La réponse est simple, c’est évidemment parce que notre pouvoir national est faible ».
En effet, de nombreux bloggeurs et articles de presse en ligne affirment que les humiliations subies par la Chine pendant les Jeux sont directement liées aux conflits de
souveraineté qui se déroulent actuellement en Mer de Chine méridionale : « je crois que poser quelques canons dans la Mer de Chine méridionale et
couler quelques navires seraient mieux ». Cela signifie que l’artillerie pourrait être un moyen plus efficace pour la Chine d’affirmer sa position à l’échelle mondiale, plutôt que
de vouloir le faire de façon insidieuse, à travers les JO.
Contrairement aux Jeux de 2008 où le moindre échec renvoyait nécessairement une mauvaise image du pays d’accueil, ceux de 2012 ont procuré aux athlètes chinois et à leurs fans une excuse
très simple s’ils n’atteignaient pas leur record de médailles d’or d’il y a quatre ans : c’est à cause des Anglais.